Caractère abusif d’une clause autorisant l’exigibilité anticipée des sommes prêtées.

Cass. civ. 1ère, 10 octobre 2018, n°17-20.441

Il incombe au juge de rechercher d’office le caractère abusif d’une clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues en cas de déclaration inexacte de l’emprunteur.

Une banque a consenti à Mme Z un prêt immobilier remboursable en 240 mensualités, garanti par une caution, pour financer la construction d’une maison d’habitation à usage de résidence principale.

Le contrat de prêt prévoyait que les fonds seraient débloqués en plusieurs fois, sur présentation de factures validées par l’emprunteur, indiquant la ou les prestations faites, au fur et à mesure de l’état d’avancement des travaux.

Une clause des conditions générales du contrat de prêt prévoyait qu’en cas de déclaration inexacte de la part de l’emprunteur, la banque pourrait réclamer immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt.

Constatant l’insincérité des factures présentées par l’emprunteur, pour débloquer les fonds au fur et à mesure de l’avancement des travaux, la banque lui a notifié l’exigibilité anticipée de toutes les sommes dues au titre du prêt.

La caution, subrogée dans les droits de la banque, a assigné l’emprunteur en paiement.
La Cour d’appel condamne l’emprunteur à payer à la caution une certaine somme, jugeant que l’insincérité des factures présentées à la banque était de nature à constituer une déclaration inexacte et justifiait donc l’exigibilité anticipée des sommes prêtées (CA Papeete, 2 mars 2017).

La décision est censurée au visa de l’article L.132-1, devenu L.212-1, du Code de la consommation, au motif qu’il incombe au juge de rechercher d’office si la clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues en cas de déclaration inexacte de la part de l’emprunteur a un caractère abusif, en ce qu’elle est de nature à laisser croire que l’établissement de crédit dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l’importance de l’inexactitude et que l’emprunteur ne peut donc pas contester le bien-fondé de la déchéance du terme.

Cette solution est justifiée à double titre. D’une part, au regard du droit de la consommation, autorisant le juge à écarter d’office l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat, après avoir recueilli les observations des parties (article R.632-1 du Code de la consommation).

D’autre part, au regard du caractère potestatif de la clause dans la mesure où elle pourrait laisser croire que le créancier dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier la sincérité des factures présentées par l’emprunteur, sans possibilité pour lui de contester devant le juge le bien-fondé de la déchéance du terme. L’affaire a donc été renvoyée devant la Cour d’appel de Papeete, autrement composée, pour qu’elle se prononce sur le caractère abusif ou non de la clause contestée.

A rapprocher : article L.212-1 du Code de la consommation

Article de Marion AUBRY, avocate au sein du département Distribution Concurrence Consommation du cabinet SIMON ASSOCIÉS

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