De l’intérêt d’être titulaire d’un droit de marque pour se défendre sur l’internet.

Comme dans le monde réel, les signes distinctifs ont une grande importance économique sur Internet. En raison de cette valeur économique croissante, ces signes subissent de nombreuses atteintes sur la toile.

Historiquement, on constatait essentiellement des atteintes dans les noms de domaine selon la pratique du cybersquatting. Le cybersquatting consiste pour des tiers de mauvaise foi à exploiter le principe du « premier arrivé premier servi » sur lequel repose l’enregistrement des noms de domaine pour enregistrer à titre de nom de domaine des marques sur lesquelles ils n’ont aucun droit. Dans les années 2000, avec l’apparition du système de référencement Google AdWords, une nouvelle forme d’atteinte s’est développée. Ce système a suscité un contentieux important à cause de sites utilisant la marque de tiers comme mot-clé pour capter l’attention des internautes. Désormais, les atteintes aux droits des marques sont également constatées sur les réseaux sociaux.

En outre, l’ouverture de la racine de l’internet avec le programme des nouvelles extensions « new gTLD » 
a généré une augmentation des risques de cybersquatting et plus généralement d’atteintes aux droits de marque. Dans ce nouveau microcosme, le droit de marque apparait en fait comme un outil efficace pour se défendre sur l’internet et à plusieurs niveaux.

Engager une action extrajudiciaire pour lutter contre le cybersquatting :

Modes alternatifs de règlement des litiges offerts aux titulaires de droits de marque, les procédures extrajudiciaires présentent de nombreux avantages : elles sont transnationales, rapides, peu coûteuses, se déroulent entièrement en ligne et l’exécution des décisions est garantie par un jeu contractuel.

La procédure UDRP (Uniform Dispute Resolution Policy), procédure extrajudiciaire notamment pour le .com, 
est uniquement ouverte aux titulaires de droits de marque. A ce titre dans une décision des experts de l’Organisation mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) une plainte a été rejetée, le requérant invoquant comme base à la procédure le droit de marque d’une entité qui lui était juridiquement distincte [1] .

Une plainte UDRP peut toutefois être fondée aussi bien sur une marque enregistrée qu’une marque non-enregistrée, telle que les marques de common law. Le requérant doit alors démontrer que le signe remplit sa fonction d’indicateur d’origine.

Par ailleurs, afin d’accroitre la protection des marques dans le cadre des nouvelles extensions, l’ICANN a mis en place la procédure URS (Uniform Rapid Suspension) qui reprend les conditions de la procédure UDRP tout en étant plus rapide et moins coûteuse. Elle a été conçue afin d’apporter une aide rapide aux détenteurs de droits en cas d’atteintes flagrantes mais ne permet que la suspension du nom de domaine et non son transfert ou sa radiation. Là encore un droit de marque doit être rapporté afin d’en bénéficier.

Bénéficier de la TradeMark ClearingHouse (TMCH) :

Face aux risques d’atteintes engendrés par la création des new gTLDs l’ICANN a mis en place la TMCH, base de données de marques déclarative conférant aux titulaires de marque inscrits deux avantages.

En effet, une fois la marque inscrite, le titulaire bénéficie non seulement de la période d’enregistrements prioritaires pour les nouveaux gTLDs – Sunrise Period – mais est également averti lorsqu’un tiers souhaite enregistrer un nom de domaine identique ou similaire à sa marque.

Enfin, si un nom de domaine reproduisant ou contenant une marque est enregistré, le titulaire de droits de marque a la possibilité d’agir contre les cybersquatteurs en utilisant les procédures extrajudiciaires comme l’URS, sans avoir à rapporter la preuve de l’usage de sa marque.

Lutter contre les pratiques déloyales des annonceurs dans le système des Google AdWords :

La titularité d’une marque permet également dans certains cas de se défendre en cas d’atteinte lors de l’utilisation frauduleuse d’un signe distinctif comme mot-clé servant de référencement à une annonce Google.

Depuis l’arrêt de la Cour de Justice Google AdWords [2] , Google ne peut être tenu responsable des atteintes aux marques occasionnées tant qu’il n’a qu’un rôle de prestataire technique passif. Cependant, les titulaires de marque peuvent engager la responsabilité de l’annonceur si les publicités créent un risque de confusion. Ainsi, la Cour de cassation [3] a retenu la responsabilité d’un annonceur qui avait utilisé les marques d’un concurrent en tant que mots-clés afin de renvoyer les internautes des sites de revente de produits similaires commercialisés sous une autre marque. Or, les annonces ne permettaient pas ou difficilement à l’internaute de savoir si les produits visés par l’annonce provenaient du titulaire des marques utilisées à titre de mots-clés ou d’une entreprise économiquement liée. Détenir un droit de marque devient alors également extrêmement utile dans la lutte contre des pratiques déloyales.

Par ailleurs, l’intérêt majeur d’être titulaire d’un droit de marque pour se défendre contre une atteinte issue de la pratique Google AdWords réside dans la procédure en ligne mise en place par Google pour régler certains conflits. En effet, par un formulaire de déclaration d’abus, le titulaire d’une marque peut notifier à Google toute atteinte à ses droits. Si l’annonceur n’a pas de droit légitime, Google retire alors la marque du système de référencement. Le titulaire d’une marque bénéficie ainsi d’une procédure rapide, efficace et peu onéreuse pour se protéger.

Se défendre sur les réseaux sociaux contre le username squatting :

Etant devenus des outils incontournables pour les professionnels, les noms d’utilisateur sur les réseaux sociaux –usernames- ont acquis une valeur économique et à ce titre font fréquemment l’objet d’atteintes. Si chaque réseau social a son propre mode de fonctionnement, le nom d’utilisateur est toujours attribué à la première entité qui en fait la demande. L’usurpation est donc très facile.

Là encore, afin de défendre ses droits, il est préférable d’être titulaire d’un droit de marque pour pouvoir signaler une violation à des droits de marque selon les conditions générales d’utilisation des principaux réseaux sociaux.

Pour toutes ces raisons et bien d’autres, il est recommandé de protéger sa marque dans tous les territoires d’intérêt et notamment dans les pays de fabrication, de commercialisation et de prospection. Cette stratégie s’inscrit ainsi globalement dans le cadre d’une protection et d’une défense tant dans le monde réel que virtuel.

Notes

[1OMPI, n° D2012-2366, Old Republic Home Protection Co., Inc. v. Direct Privay ID 7F9AB, <oldrepublichomewarranty.com> , rejet

[2CJUE 23 mars 2010, Google AdWords, C-236/08 à C238/08

[3Cass Com, 29 janv. 2013, n° 11-21011 et 11-24713