En ratifiant l’ordonnance de 2016, le législateur a modifié certains articles du code civil.

En ratifiant, le législateur a également bouleversé la rédaction de certains articles du Code civil issus de l’ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : état des modifications opérées et de leurs effets.

Il convient de rappeler que le Gouvernement de l’époque avait décidé de modifier le droit des contrats par voie d’ordonnance, suivant autorisation donnée notamment par l’article 8 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, publiée au Journal Officiel du 17 février 2015.

C’est ainsi que l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a été publiée au Journal Officiel du 11 février 2016.

Cet article est l’occasion de rappeler que les ordonnances prévues à l’article 38 de la Constitution sont des actes administratifs tant qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une ratification par le législateur.

Dans sa Décision n° 72-73 L du 29 février 1972 rendue sur saisine du Premier Ministre sur le fondement du second alinéa de l’article 37 de la Constitution en vue de déterminer la nature juridique de certaines dispositions des articles 5 et 16 de l’ordonnance du 17 août 1967 relative à la participation des salariés aux fruits de l’expansion des entreprises, le Conseil constitutionnel rappelait que les ordonnances sont « des actes de forme réglementaire » et le demeurent « tant que la ratification législative n’est pas intervenue » et à la condition qu’elles aient « fait l’objet du dépôt du projet de loi de ratification prévu par l’article 38 de la Constitution ».

Dans son arrêt d’Assemblée rendue le 28 mars 1997, société Baxter, le Juge du Palais Royal a rappelé à juste titre « qu’il résulte [des dispositions de l’article 38 de la Constitution], ainsi que des débats tant du comité consultatif constitutionnel que du Conseil d’État lors de l’élaboration de la Constitution, que les ordonnances prises dans le cadre de l’article 38 ont, alors même qu’elles interviennent dans une matière ressortissant en vertu de l’article 34 ou d’autres dispositions constitutionnelles au domaine de la loi, le caractère d’actes administratifs ; qu’à ce titre, leur légalité peut être contestée aussi bien par la voie d’un recours pour excès de pouvoir formé conformément aux principes généraux du droit que par voie de l’exception à l’occasion de la contestation de décisions administratives ultérieures ayant pour fondement une ordonnance ; que, cependant, dès lors que sa ratification est opérée par le législateur, une ordonnance acquiert valeur législative à compter de sa signature ».

Il y a donc un intérêt certain sur le plan contentieux pour le Gouvernement à faire ratifier rapidement par le législateur les ordonnances qu’il a prises sur l’habilitation de ce dernier.

Plus de deux années après la publication de l’ordonnance, le législateur vient de ratifier très tardivement ladite ordonnance suivant la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 (Loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations), publiée au Journal Officiel du 21 avril 2018.

Le législateur ne s’est pas simplement contenté de ratifier purement et simplement le texte de l’ordonnance de 2016.

En effet, il a procédé à des modifications importantes, allant même parfois jusqu’à réécrire entièrement certains articles originels de l’ordonnance de 2016.

Au final, le législateur est intervenu sur 23 articles du code civil et du code monétaire et financier.

Nous aborderons dans le présent article les modifications impactant uniquement le code civil (I) et leurs effets (II).

I. Les articles du Code civil impacts par la loi de ratification de l’ordonnance réformant le droit des contrats.

21 articles du code civil ont été modifiés soit légèrement, soit substantiellement par le législateur.

Les modifications touchant les articles concernés par la loi de ratification sont reproduites ci-dessous en gras.

Ont été précisés au regard de chaque article l’application de la modification dans le temps.

Article 1110 du code civil (modification à application différée au 1er octobre 2018) :

"Le contrat de gré à gré est celui dont les stipulations sont librement négociées négociables entre les parties.

Le contrat d’adhésion est celui (annulé : dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties) qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties. »

Article 1112 du code civil (modification à caractère interprétatif à application immédiate) :

« L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu ni la perte de chance d’obtenir ces avantages. »

Article 1117 du code civil (modification à application différée au 1er octobre 2018) :

« L’offre est caduque à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable.

Elle l’est également en cas d’incapacité ou de décès de son auteur ou de décès de son destinataire. »

Article 1137 du code civil (modification à application différée au 1er octobre 2018) :

« Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »

Article 1143 du code civil : (modification à caractère interprétatif à application immédiate) :

« Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. »

Article 1145 du code civil (modification à application différée au 1er octobre 2018) :

« Toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi.

La capacité des personnes morales est limitée (annulé : aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des) par les règles applicables à chacune d’entre elles. »

Article 1161 du code civil (modification à application différée au 1er octobre 2018) :

« (annulé : Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat En matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d’intérêts ni contracter pour son propre compte avec le représenté.

En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié. »

Article 1165 du code civil (modification à caractère interprétatif à application immédiate) :

« Dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. (annulé : en cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande en dommages et intérêt). En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat. »

Article 1171 du code civil (modification à application différée au 1er octobre 2018) :

« Dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation. »

Article 1216-3 du code civil (modification à caractère interprétatif à application immédiate) :

« Si le cédant n’est pas libéré par le cédé, les sûretés qui ont pu être consenties subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par le cédant ou par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord.

Si le cédant est libéré, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette. »

Article 1217 du code civil (modification à caractère interprétatif à application immédiate) :

"La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
- refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
- (annulé : solliciter) obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter."

Article 1221 du code civil (modification à caractère interprétatif à application immédiate) :

« Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier. »

Article 1223 du code civil (modification à application différée au 1er octobre 2018) :

« (Annulé : Le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix.

S’il n’a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais).

En cas d’exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s’il n’a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d’en réduire de manière proportionnelle le prix. L’acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit.

Si le créancier a déjà payé, à défaut d’accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix. »

Article 1304-4 du code civil (modification à caractère interprétatif à application immédiate) :

« Une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie ou n’a pas défailli. »

Article 1305-5 du code civil (modification à caractère interprétatif à application immédiate) :

« La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions. »

Article 1327 du code civil (modification à application différée au 1er octobre 2018) :

« Un débiteur peut, avec l’accord du créancier, céder sa dette.

La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité. »

Article 1327-1 du code civil (modification à caractère interprétatif à application immédiate) :

« Le créancier, s’il a par avance donné son accord à la cession (annulé : ou) et n’y est pas intervenu, ne peut se la voir opposer ou s’en prévaloir que du jour où elle lui a été notifiée ou dès qu’il en a pris acte. »

Article 1328-1 du code civil (modification à caractère interprétatif à application immédiate) :

« Lorsque le débiteur originaire n’est pas déchargé par le créancier, les sûretés subsistent. Dans le cas contraire, les sûretés consenties par le débiteur originaire ou par des tiers ne subsistent qu’avec leur accord.

Si le cédant est déchargé, ses codébiteurs solidaires restent tenus déduction faite de sa part dans la dette. »

Article 1343-3 du code civil (modification à application différée au 1er octobre 2018) :

« Annulé : Le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros. Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre devise si l’obligation ainsi libellée procède d’un contrat international ou d’un jugement étranger).

Le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros.

Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l’obligation ainsi libellée procède d’une opération à caractère international ou d’un jugement étranger. Les parties peuvent convenir que le paiement aura lieu en devise s’il intervient entre professionnels, lorsque l’usage d’une monnaie étrangère est communément admis pour l’opération concernée. »

Article 1347-6 du code civil (modification à caractère interprétatif à application immédiate) :

« (Annulation : La caution peut opposer au créancier la compensation intervenue entre ce dernier et le débiteur principal.

Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation intervenue entre le créancier et l’un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette).

La caution peut opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal.

Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation de ce que le créancier doit à l’un de ses coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette. »

Article 1352-4 du code civil (modification à caractère interprétatif à application immédiate) :

« Les restitutions dues (Annulé : à) par un mineur non émancipé ou (Annulé : à) par un majeur protégé sont réduites à (Annulé : proportion) hauteur du profit qu’il a retiré de l’acte annulé. »

II. La portée des modifications opérées par la loi de ratification : effet différé et effet immédiat.

L’article 16 de la loi de ratification du 20 avril 2018 prévoit une entrée en vigueur au 1er octobre 2018 pour neuf articles du code civil et deux articles du code monétaire et financier.

Ainsi, les articles 1110, 1117, 1137, 1145, 1161, 1171, 1223, 1327 et 1343-3 du code civil et les articles L. 112-5-1 et L. 211-40-1 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de la loi de ratification, sont applicables aux actes juridiques conclus ou établis à compter de son entrée en vigueur, autrement dit au 1er octobre 2018.

Par contre, le législateur a apporté des modifications à douze articles du Code civil qui s’appliquent immédiatement.

Ainsi, les modifications apportées par la loi de ratification aux articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1347-6 et 1352-4 du code civil ont un caractère seulement interprétatif.

Patrick Lingibé
Vice-Président de la Conférence dès Batonniers de France
Ancien membre du Conseil national des barreaux
Bâtonnier
Spécialiste en droit public
Diplômé en droit routier
Médiateur Professionnel
Membre du réseau EUROJURIS
Membre de l’Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM)
SELARL JURISGUYANE
www.jurisguyane.com