Enquête : le choix des entreprises entre cabinet généraliste et cabinet spécialisé en droit social.

Le cabinet choisi par votre entreprise se consacre uniquement à la question du droit social, et vous vous en trouvez bien ? Ou vous souhaiteriez en changer pour un cabinet généraliste ? Quelles en sont les raisons ?
Tout au contraire, vous faites aujourd’hui appel à un cabinet généraliste, et vous en êtes satisfaits ? Ou alors vous souhaiteriez avoir recours aux services d’un cabinet spécialisé ?
Autant de situations que vous nous avez décrites de manière précise en réponse à notre enquête sur le sujet, et dont voici le compte-rendu.
Pour compléter ces points de vue, nous avons en outre suggéré à plusieurs cabinets en droit social de nous expliquer leur fonctionnement et l’importance de cette branche du droit dans leur activité.

Résultats de l’enquête :

Pourquoi faites-vous appel à un cabinet entièrement spécialisé en droit social ?

Pour les entreprises qui ont répondu positivement à cette question, le maître mot est « l’expertise ».
Un cabinet spécialisé est avant tout recherché parce qu’il est considéré comme « plus pointu », et parce qu’il « maîtrise parfaitement son sujet ».

Le droit social est perçu par la plupart des répondants comme un droit vaste, où différents thèmes se rencontrent, un droit complexe avec « une législation en perpétuelle évolution », d’où l’idée qu’un cabinet dédié au sujet aurait plus de facilité à « être à jour sur les nouveautés jurisprudentielles ».

De surcroît, les entreprises sont particulièrement attentives à la « connaissance pratique du contentieux », en « négociation » comme en « plaidoirie », ce qui demande, termes récurrents des répondants, une « technicité », une « réactivité » et une « connaissance des acteurs », notamment des juridictions prud’homales.

Parce que les différents avocats d’un cabinet spécialisé cumulent les « expériences sur des dossiers similaires », ils peuvent offrir une analyse plus fine des risques pour l’entreprise, tout spécialement en ce qui concerne les « sommes en jeu pour les condamnations ou les transactions ».

En outre, comme le suggère un répondant, la continuité du service semble plus facile à assurer puisque « plusieurs avocats peuvent répondre à nos problématiques en fonction de leurs disponibilités ». Il devient alors envisageable de faire « une confiance totale », notamment pour « un suivi de la vie sociale du groupe ».

Certains répondants au questionnaire prêtent également des avantages tarifaires à ces cabinets.

D’autres se disent à l’inverse « défavorables[s] » aux cabinets spécialisés et « préfère[nt] les cabinets pluri-disciplinaires ».

Pourquoi changeriez-vous pour un cabinet spécialisé en droit social ?

Pour ces entreprises qui envisagent de donner sa chance à un cabinet entièrement dédié au droit social, le premier élément mis en avant est également « l’expertise », avec un accent mis sur la maîtrise des « contentieux » grâce à la « connaissance des dernières pratiques ».

La possibilité de changer émerge donc parce que « les sujets sont de plus en plus techniques et les risques humains et financiers de plus en plus lourds ».

Il semble que la première démarche d’une entreprise désireuse de changer de prestataire soit de faire appel occasionnellement à ces cabinets, avec un « rôle de conseil ponctuel » pour « un point très précis » ou une « question complexe type plan social », ou bien encore « une confirmation et un double avis ». Elles peuvent également envisager de lui confier soit un dossier « très technique » soit la « rédaction de documents spécifiques ».

Pour une partie des répondants, il n’y a pas lieu de changer de cabinet de droit social, et l’un d’entre eux résume ce point de vue à sa manière : « ça n’a aucun intérêt, notre avocat est spécialiste en droit social, alors peu importe la structure du cabinet ! »

Pourquoi faites-vous appel à un cabinet généraliste ?

Pour de nombreux répondants, le premier atout d’un cabinet généraliste est sa simplicité, car il offre un « interlocuteur unique », ce que certains associent à une « réduction des coûts », parce que « les autres avocats peuvent intervenir dans d’autres domaines pour notre société et ainsi offrir des honoraires moins élevés ».

Mais la principale qualité d’un cabinet généraliste semble tenir aux apports d’une approche nourrie par des « compétences transversales ». Celle-ci permettrait d’offrir une « vision plus large », « plus globale », une « mutualisation des sujets entre membres du cabinet » qui amène à « prendre de la hauteur ». Il devient alors possible de proposer des « axes différents d’approche pour les problématiques soulevées », d’envisager « des solutions qui font appel à d’autres spécialités » et qui « prennent en compte tous les enjeux du dossier ».
Le lien est précisément fait avec d’autres spécialités du droit, notamment le droit fiscal, mais aussi commercial.

Pour certains répondants, cette complémentarité semble particulièrement féconde dans des cas particuliers tels qu’« un dossier Corporate (M&A) », ou « une vision globale du calendrier de réalisation qui inclut la prise en compte des impératifs du CE ». La préférence pour une telle perspective s’appuie en dernier lieu sur la conviction qu’un cabinet généraliste a une meilleure « compréhension des activités et contraintes "business" de l’entreprise ».

D’autres entreprises se montrent à l’inverse sceptiques sur les cabinets de cette catégorie, et disent n’y voir « aucun avantage », voire craindre, malgré « une vision globale intéressante », que la « sécurisation juridique [soit] faible ».

Pourquoi changeriez-vous pour un cabinet qui soit généraliste ?

Si, selon un répondant, la tendance semble « plus au recours à un avocat privilégié dans un cabinet spécialisé », il est vrai aussi qu’il est « rare d’avoir à faire à une seule branche du droit ».
Beaucoup d’entreprises mentionnent donc l’intérêt de recourir à un cabinet généraliste dans « un dossier à tiroirs, comme une cession d’entreprise » ou « des opérations de restructurations », ou dans « l’audit global d’une cible pour bénéficier d’un avis avec le prisme social mais aussi corporate ou fiscal par exemple ».

De nombreux répondants ont mentionné des branches du droit qui sont liées au droit social dans certains de leurs dossiers : droit pénal, droit commercial, droit des sociétés, droit de l’environnement, droit du transport, droit de la sécurité sociale et/ou droit de la propriété intellectuelle.
Certains considèrent ces complémentarités comme une exception, et ne recourraient à un cabinet généraliste que pour poser des questions « mineures » ou « incidentes » lors d’une consultation en droit social, ou encore pour lui confier des « questions simples » ou des « contentieux à faible valeur ajoutée » ; des démarches soutenues par la perception de ces cabinets généralistes comme offrant des tarifs plus intéressants, notamment par le biais de « forfaits négociés ».

D’autres, à l’inverse, considèrent indispensables de « toujours envisager un problème social dans sa globalité » et de « compléter l’expertise pointue par la transversalité », parce que « plusieurs points de vue sur le risque et ses solutions permettent d’être plus créatif et efficace » mais aussi de « tenir compte des contraintes propres au secteur économique d’intervention ».

Si certains répondants ouvrent donc la possibilité de faire appel aux services d’un cabinet généraliste, en se fondant pour ce nouveau choix sur la « réputation » et sur « le montant des honoraires », un certain nombre de répondants ne souhaite pas pour l’instant recourir à un cabinet généraliste, parce qu’ils disent « privilégier l’expertise », surtout « compte tenu des évolutions de l’ensemble des dispositions ».

Témoignages d’avocats généralistes et d’avocats spécialisés en droit social :

Denis Agranier, associé au sein du cabinet PDGB :
« Le droit social est une des spécialités du cabinet PDGB. S’agissant plus particulièrement du droit de la sécurité sociale, il est pratiqué dans le cadre de dossiers spécifiques à cette matière, notamment assistance à contrôle URSSAF, contentieux TASS, conseil en matière d’exonérations sociales, mais également en synergie avec les autres départements du cabinet, principalement le droit des sociétés et le droit fiscal, dans le cadre d’audits d’acquisitions, de conseils aux dirigeants et créateurs d’entreprises, et de questions transverses sociales/fiscales ».

Patrick Thiébart, avocat associé au cabinet Jeantet :
« Le cabinet Jeantet est un cabinet généraliste en droit des affaires, composé de plusieurs pôles parmi lesquels figure le pôle social. Jeantet ayant vocation à accompagner ses clients sur l’ensemble de leurs problématiques juridiques en droit des affaires, il est important pour nous de leur faire bénéficier de l’expertise d’autres avocats que ceux du pôle social. Le cross-selling et, par voie de conséquence, la cohésion du cabinet s’en trouvent renforcés. A titre d’illustration, les avocats du pôle social travaillent régulièrement avec leurs homologues du pôle restructuration (gestion sociale des entreprises en difficultés), corporate (audits sociaux de sociétés), fiscal (optimisation des rémunérations des cadres dirigeants), propriété intellectuelle (protection des données personnelles), ou encore concurrence (actions en justice en concurrence déloyale) ».

Philippe Rozec, associé et responsable du département droit social chez De Pardieu Brocas Mafféi :
"Notre cabinet est, avec près de 150 avocats, une des références en droit des affaires. Le département que je dirige est composé de 10 avocats et intervient pour des opérations de grande ampleur et souvent à forte dimension internationale. Nous travaillons en très forte synergie avec les autres départements du cabinet (M&A/Corporate, Restructuring, Banque-Finance, Immobilier, concurrence/concentration, fiscal…). Nous abordons notamment des problématiques de sécurité sociale."

Frédéric CHHUM avocat au barreau de Paris :
« Le droit social est un droit au coeur du droit de l’entreprise. Les demandes sont d’autant plus importantes que la législation change constamment. Il me semble intéressant de développer des droits parallèles comme la propriété intellectuelle, la création d’entreprise et les contrats ».

Bruno Lasseri, associé chez LL Avocats :
« Nous faisons beaucoup de contentieux des affaires : tribunaux de commerce, mais aussi du contentieux prud’homal et de la sécurité sociale dans le cadre de recours employeurs. Le droit social et de la sécurité sociale deviennent des éléments incontournables pour l’entreprise privée qui ne peut subir les coûts induits sans les anticiper et donc gérer la prévention en amont. La sinistralité et l’absentéisme au travail ont en effet de lourdes conséquences sur les taux de cotisations qui sont assises sur la masse salariale de l’entreprise, d’autant que les employeurs se voient également poursuivis devant les tribunaux en faute inexcusable pour obtenir des majorations de rentes et d’indemnités. Le droit social et de la sécurité sociale sont donc évidemment très intriqués, puisque des accidents du travail ou des maladies professionnelles peuvent avoir des conséquences directes sur l’emploi, l’invalidité, l’inaptitude ou le remplacement des salariés ».

Jordan Belgrave.

Article initialement publié dans le Journal du Management Juridique n°55.

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.