Entreprises en difficulté et Covid-19 : le redressement judiciaire simplifié rapide.

La procédure de sortie de crise prévue par la loi du 31 mai 2021 a mis en place un redressement judiciaire simplifié rapide.
Analyse de cette nouvelle procédure.

Aussi étrange que cela puisse paraître, depuis mars 2020 c’est-à-dire depuis le début des confinements, la crise sanitaire n’a pas eu pour conséquence une augmentation sensible des défaillances d’entreprise.

En effet, les aides mises en place par le Gouvernement ont eu pour effet de maintenir les entreprises dans une sorte de limbe, dans un cocon protecteur, permettant d’attendre avec espoir la fin de crise.

De fait, le Gouvernement a mis en place des aides spécifiques dont la finalité, en reconstituant une partie des recettes des entreprises confinées, en leur permettant de souscrire à des frais bonifiés (PGE) ou en leur permettant de suspendre les versements des cotisations sociales est de les maintenir sous perfusion jusqu’à la sortie de crise.

Parallèlement, des mesures ont été mises en place par les ordonnances de mars 2020 afin de faciliter le règlement des conflits entre locataires et propriétaires s’agissant de baux commerciaux et notamment en interdisant les frais de poursuite et en faisant bénéficier les bailleurs de crédits d’impôts en échange des franchises complètes ou partielles des loyers.

Ce traitement des entreprises sous-perfusion ne peut que donner une vision trompeuse de la situation réelle.

Aussi, depuis plusieurs semaines aussi bien les tribunaux de commerce que le Gouvernement s’attendent à une vague de défaillance d’entreprises correspondant à la fin des aides mais aussi aux échéances de remboursement des créances sociales, ainsi que des PGE.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement par l’article 13 de la loi du 31 mai 2021 a modifié certaines modalités du redressement judiciaire simplifié dans le but de le rendre plus rapide et plus efficient pour un traitement efficace de la sortie de crise pour les petites entreprises.

L’article 13 de la loi dispose qu’il :

« est institué une procédure de traitement de sortie de crise ouverte sur demande d’un débiteur mentionné à l’article L620-2 du Code de commerce qui, étant en cessation des paiements, dispose cependant des fonds disponibles pour payer ses créances salariales et justifie être en mesure, dans les délais prévus au présent article, d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise (…) ».

La procédure ne peut être ouverte qu’à l’égard d’un débiteur dont le nombre de salariés et le total de bilan sont inférieurs à des seuils fixés par décret et dont les comptes apparaissent réguliers, sincères et aptes à donner une image fidèle de la situation financière de l’entreprise.

L’ouverture de la procédure est examinée en présence du ministère public.

Au demeurant le seuil fixé est de 3 millions d’euros de chiffre d‘affaire et moins de 20 salariés.

Les créances salariales doivent être couvertes, ce qui implique d’avoir sur les comptes de la société, les fonds nécessaires au paiement des salaires et des cotisations sociales.

Cela permet, selon le législateur, d’éviter l’intervention des AGS.

Cela limite en vérité cruellement les candidats puisque nombre d’entreprises trouvent l’origine de leur difficultés dans le montant des dettes sociales passées mais aussi à venir.

Ainsi, les entreprises en difficulté voulant bénéficier de ce traitement pourront sur leurs simples déclarations en bénéficier pour un délai de 3 mois.

Les deux points les plus importants de ce traitement simplifié résident, comme déjà énoncé dans l’obligation de ne pas avoir de dettes salariales, en d’autres termes, le débiteur doit avoir les fonds disponibles pour régler les salaires.

La deuxième « innovation » réside dans le fait que le débiteur devra présenter un projet de plan permettant la sortie de crise et qui sera étudié par le tribunal non seulement pendant la période d’observation de trois mois mais aussi dès le dépôt de la demande.

C’est un critère d’éligibilité de la mesure.

On comprend que le législateur a voulu réservé cette procédure aux entreprises viables mais impactées uniquement et temporairement par la crise sanitaire.

Il est toutefois nécessaire de s’interroger sur le sort réservé aux entreprises subissant un refus par le tribunal d’entrer dans telle procédure.

Leur situation de cessation de paiement pourrait entraîner un redressement ou pire une liquidation sans avoir pu bénéficier des procédures de conciliation ou de sauvegarde.

Seul l’administrateur de justice serait désigné dans le suivi de la procédure sans intervention d’un mandataire.

On comprend la volonté d’aller vite.

En pratique, le débiteur devra déposer la liste des créanciers qu’il établira de manière autonome.

La procédure de contestation de créances ne s’appliquant pas, toujours par soucis de rapidité, et les modalités de contrôle ne semblent pas a priori définies, ce qui laisse une grande latitude au débiteur. En cas de contestation, une audience est prévue devant le juge-commissaire, la décision du juge étant opposable uniquement à l’égard des parties entendues ou convoquées.

Si l’idée de ce redressement judiciaire simplifié semble partir de bonnes intentions, la confrontation avec la réalité pourrait être décevante.

Tout d’abord il convient de rappeler qu’il n’existe pas moins de 20 procédures différentes de traitements des entreprises en difficulté.

Ainsi, afin de traiter a priori les difficultés de l’entreprise, le débiteur avant de recourir au redressement judiciaire peut solliciter la désignation d’un mandataire ad-hoc chargé de discuter avec les créanciers et de même peut solliciter le bénéfice de la procédure de conciliation afin de mettre en place un échéancier ou une franchise s’agissant des dettes de la société.

En pratique, la volonté d’une procédure rapide et le nombre potentiel des sociétés pouvant recourir à cette procédure simplifiée engorgera selon les professionnels, des tribunaux déjà à la peine.

A cause de la multiplicité des audiences possibles notamment au regard des contestations des créances, la procédure voulue simplifiée pourrait avoir l’effet inverse de celui espéré c’est-à-dire maintenir une société en observation avant la décision d’un plan de continuation au-delà des délais prévus dans la loi.

Les entreprises concernées par le redressement rapide sont en fait des petites sociétés à moins de 20 salariés, c’est-à-dire de tissu économiques de la France.

Le nombre élevé de candidat potentiel a déjà soulevé chez les professionnels de multiples interrogations quant aux traitements judiciaires.

Enfin, il est regrettable que le mandataire judiciaire ne puisse intervenir dans ces procédures.

Il est nécessaire de rappeler que le mandataire judiciaire est le représentant des créanciers mais souvent aussi le liquidateur.

C’est donc un professionnel habitué et ayant l’expertise de la potentialité de redressement d’une entreprise.

Tous les praticiens qui sont confrontés aux audiences de liquidation judiciaire à Paris ou en région parisienne savent la difficulté de gestion des flux d’entreprises en difficulté et d’organisation du Tribunal de commerce.

Cette nouvelle procédure est-elle véritablement pertinente en ces temps de disette ?

A voir…

Sources :
https://www.figec.com/2021/05/31/pr...
https://www.pernaud.fr/info/glossai...

Laurent Feldman,
Avocat au Barreau de Paris.

Article initialement publié sur Le Village de la Justice.

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.