Gestion des marques : attention au risque de déchéance.

Jérémie Courtois, avocat au Barreau de Lille, expose le point de droit de la propriété intellectuelle suivant : Il est important de vérifier régulièrement que chaque marque détenue fait l’objet d’une exploitation effective. A défaut, la déchéance de la marque inutilisée (pendant 5 ans) peut être reconnue en justice.

Cela vaut également dans le contexte particulier d’une « famille » ou d’une « série » de marques, puisque la Cour de cassation a affirmé dans un arrêt du 19 janvier 2016 que l’usage d’une marque ne saurait être invoqué aux fins de justifier de l’usage d’une autre marque.

L’autonomie des marques pour la détermination de leur usage.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 janvier 2016 (n°14-18434), deux sociétés ont assigné le titulaire des marques "Micro Rain" et "Big Rain" en déchéance de ces marques.

Pour se défendre, la société titulaire des marques avait fait valoir l’appartenance de celles-ci à une « famille » de 16 marques, toutes composées du suffixe ou du préfixe Rain. Elle considérait notamment que l’usage réel et sérieux d’une marque peut être établi par l’usage de sa forme modifiée, elle-même enregistrée à titre de marque, dès lors que le caractère distinctif de la marque initiale est conservé, ce qui était le cas, selon elle, de ses marques "Mini Rain" et "Micro Rain".

Cependant, la Haute Cour a jugé qu’il n’était pas possible de se prévaloir de l’utilisation de la marque « Mini Rain », pour échapper à la déchéance de ses droits sur la marque « Micro Rain ».

Dans le contexte particulier d’une « famille » ou d’une « série » de marques, il n’est donc pas possible d’invoquer l’usage d’une marque pour justifier de l’usage d’une autre marque. Chacune des marques déposées doit ainsi être considérée comme un titre propre qui doit être spécialement utilisé pour pouvoir prétendre au monopole d’exploitation qui y est attaché.

Ce principe nous donne l’occasion de rappeler l’importance de vérifier l’usage sérieux de chacune de ses marques mais aussi et surtout de s’en prémunir la preuve.

La preuve d’usage sérieux de ses marques.

Rappelons qu’en droit français, le propriétaire de la marque encourt la déchéance de ses droits si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, il n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement de sa marque.

Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée en conformité à sa fonction essentielle (notamment garantie d’origines des produits et services). Cela se traduit donc par l’utilisation de la marque sur le marché pour désigner chacun des produits ou services couverts par son enregistrement.

En cas de débat sur la déchéance d’une marque, la charge de la preuve de l’usage sérieux de la marque incombe à son titulaire.
Pour être en mesure de défendre efficacement ses titres le cas échéant, il est donc vivement conseillé de se prémunir, en amont et avant toute contestation, d’un ensemble de preuves de l’exploitation de chacune des marques. Une bonne pratique consiste à conserver périodiquement des documents publicitaires, catalogues, documents commerciaux, ….

Attention néanmoins, dans le cadre particulier des familles de marque, cette preuve d’usage, doit être fondée sur des documents qui n’ont pas déjà été pris en compte pour preuve de l’exploitation d’une autre marque de la même famille.

Ainsi, cette décision de la Cour de Cassation est l’occasion d’attirer l’attention sur le fait que les marques sont des titres constituant un patrimoine immatériel lequel nécessite un minimum d’attention afin de bénéficier d’une protection effective.
La gestion de ses marques ne se limite donc pas à planifier les renouvellements, sous peine de subir de désagréables surprises…

A propos de l’auteur :

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Jérémie Courtois, Avocat – Lille

Domaines :
- Constats probatoires et procédures d’urgence
- Expertises judiciaires ou amiables
- Contentieux judiciaires
- E-commerce
- Logistique / Transport
- Communications commerciales
- Sécurité des produits

Date de prestation de serment :
17-10-2011

Date d’entrée dans la structure :
17-10-2011

Formation :
Master 2 Juriste d’entreprise - Université de Lille