Identification des bénéficiaires effectifs d’une personne morale, une directive européenne efficace en matière de lutte contre le blanchiment ?

La lutte contre le blanchiment est le cheval de bataille de toutes les sociétés modernes.
Aux fins de pallier cette problématique qui préoccupe nombre de gouvernements, l’Union Européenne a adopté le 20 Mai 2015 la directive 2015/849/UE, imposant à chaque Etat membre d’identifier les bénéficiaires effectifs de toute entité juridique constituée ou domiciliée sur son territoire.

Le gouvernement français a de fait instauré un Registre des Bénéficiaires Effectifs.
En cela, toute structure française, entendu comme tel ayant son siège social sis dans un département français, qu’elle relève du régime civil, agricole ou commercial, ou toute structure étrangère hors Union Européenne disposant d’un établissement in sine du territoire national, doit déposer au Registre du Commerce et des Sociétés de la juridiction territoriale dont elle dépend un document recensant l’ensemble de ses bénéficiaires effectifs.

L’Article L561-2-2 du Code Monétaire et Financier dispose que « le bénéficiaire effectif est la ou les personnes physiques :
1° Soit qui contrôlent en dernier lieu, directement ou indirectement, le client ;
2° Soit pour laquelle une opération est exécutée ou une activité exercée.
 »

Un Décret du Conseil d’Etat a fixé que chaque structure a ainsi l’obligation de déclarer soit, la ou les personnes physiques qui détiennent, directement ou indirectement, plus de 25% du capital ou des droits de vote de la société́ déclarante ; soit, la ou les personnes physiques qui exercent, par d’autres moyens, un pouvoir de contrôle sur les organes de gestion, d’administration ou de direction de la société déclarante ou sur l’assemblée générale de ses associés ou actionnaires.

A défaut d’identification d’un bénéficiaire effectif, selon les deux critères précédents, la ou les personnes physiques qui occupent directement ou indirectement (par l’intermédiaire d’une ou plusieurs personnes morales) la position de représentant légal de la société concernée doit également être déclarés.

Depuis le 1er Août 2017, cette formalité doit être effectuée dans un délai de 15 jours à compter de la date de délivrance du récépissé de dépôt.
Concernant les structures antérieurement immatriculées, il est impérieux que cette régularisation ait été effectuée avant le 1er Avril 2018.

Cette disposition permet une plus grande transparence dans les contrôles efficiemment exercés sur une entité.
L’Union Européenne a décidé d’adopter cette directive aux fins qu’une personne morale, notamment domiciliée en dehors d’un territoire national, possédant les parts sociales d’une entité tierce, et de fait emportant de plein droit les prérogatives y afférentes, puisse se réfugier derrière l’anonymat parfois conféré par les législations étrangères autorisant la non divulgation des bénéficiaires effectifs finaux.

Cette mesure consacre ainsi la personnification de personnes morales exerçant un contrôle de droit et de fait sur une activité commerciale ou financière ou en tirant des subsides.

L’Article R 561-55 du Code Monétaire et financier dispose d’ailleurs qu’il convient de tenir à jour ce registre des bénéficiaires, en cela qu’un nouveau document récapitulatif doit être déposé dans les trente jours suivant tout fait ou acte rendant nécessaire la rectification ou le complément des informations qui y sont mentionnées.

Reste que cette disposition pose deux questionnements, celui de son efficacité réelle à terme, et celle du respect de la confidentialité de l’intérêt économique auprès des tiers non habilités.

En effet, en matière de blanchiment, cette édiction ne protège pas des prête-noms ou des porteurs de parts, particulièrement affectionnés par ceux qui se refusent à apparaître dans les registres officiels, et procédé qui risque de s’accroître encore.

Au titre de la confidentialité des éléments déclarés, l’Article R 561-57 du Code Monétaire et Financier prévoit qu’ils pourront être consultables, outre par les personnes dûment habilitées ou autorisées par la législation, et celles assujetties à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, par tout individu justifiant d’un intérêt légitime et autorisé par le juge commis à la surveillance du Registre du Commerce et des Sociétés, en lui communiquant « l’objet et le fondement de la demande, ainsi que l’indication des pièces sur lesquelles elle est fondée ».

Nonobstant, les textes ne caractérisent nullement de manière explicite, à cette heure, l’intérêt légitime.

Docteur en Droit et Expert Juridique, Romain GERARDIN-FRESSE a longtemps conseillé parlementaires certaines personnalités politiques.
Il co-dirige aujourd’hui le Cabinet GFK CONSEILS-JURIDIS, spécialisé dans les stratégies d’entreprise et les procédés d’administration.