Immigration professionnelle : Comment recruter un salarié directement depuis l’étranger pour un poste en France ?

Certaines entreprises françaises éprouvent de réelles difficultés de recrutement, soit en raison de leur secteur d’activité particulier, soit en raison du faible nombre de candidats qualifiés sur le marché du travail. Afin de pallier cette pénurie, les entreprises peuvent recruter directement des salariés depuis l’étranger pour un poste situé en France. Pour cela, il existe deux procédures : l’introduction de salariés étrangers et le passeport talent.

1) La procédure d’introduction de salariés étrangers (« procédure d’introduction »).

Cette procédure s’applique lorsque l’employeur n’a pas trouvé de candidats qualifiés ou peu de profils pour le poste en France. Il s’agit de la procédure classique de recrutement de salariés depuis l’étranger pour un poste en France. La procédure d’introduction de salariés étrangers, communément appelée « procédure d’introduction », se déroule en deux étapes.

1.1) Dépôt du dossier d’introduction par l’employeur auprès de la Direccte.

Après avoir déposé une offre auprès de Pôle emploi sans avoir trouvé de profils suffisamment qualifiés, l’employeur devra préparer un dossier d’introduction de salarié étranger (autorisation de travail) auprès de la Direccte du futur lieu de travail du salarié [1].

Ce dossier comprend : le contrat de travail conclu entre l’employeur et le futur salarié, l’engagement de paiement des taxes à l’OFII, un imprimé relatif aux conditions de logement du salarié ainsi que des éléments justifiant de ses qualifications professionnelles.

La Direccte examinera les points suivants :
- La qualification du salarié par rapport à l’annonce de poste déposée (CV, diplômes) ;
- Le respect par l’employeur des règles fixées par le Code du travail ;
- La situation de l’emploi dans le secteur professionnel et la zone géographique concernée.

Pour certains métiers caractérisés par de réelles difficultés de recrutement en fonction de la région, la situation de l’emploi n’est pas opposable. Ces emplois sont répertoriés en tant que « liste des métiers sous tension » [2].

Par exemple, en Ile de France, les métiers suivants sont considérés comme étant sous tension (non exhaustif) :
- Cadre de l’audit et du contrôle comptable et financier ;
- Informaticien d’étude / Informaticien expert ;
- Dessinateur en électricité et électronique ;
- Technicien de fabrication de la construction mécanique et du travail des métaux ;
- Technicien qualité de la construction mécanique et du travail des métaux ;
- Installateur-maintenicien en ascenseurs (et autres systèmes automatiques) ;
- Dessinateur du BTP / Géomètre / Chargé d’études techniques du BTP ;
- Chef de chantier du BTP / Conducteur de travaux du BTP.

La Direccte devra ensuite prendre une décision dans un délai maximum de deux mois suivant le dépôt de la demande.

Si l’administration ne répond pas dans ce délai de 2 mois, la demande est considérée comme rejetée.

En cas de rejet de la demande ou de silence de l’administration de plus de deux mois, l’employeur pourra contester cette décision (recours gracieux, hiérarchique, recours contentieux).

Si le dossier d’introduction de salarié étranger est accepté, l’employeur devra payer la taxe OFII dans les 3 mois suivant la délivrance du titre au salarié étranger. Son montant varie en fonction du salaire versé.

1.2) Délivrance du visa au salarié et visite médicale.

Après l’obtention de l’autorisation de travail par la Direccte, le salarié devra entreprendre des démarches auprès des autorités consulaires de son pays de résidence et faire l’objet d’une visite médicale obligatoire. Selon les accords bilatéraux signés entre la France et le pays de résidence du salarié, l’ordre de la procédure peut varier.

Pour les salariés résident du Maroc, de Tunisie ou de Turquie (notamment)

Après avoir donné son accord, la Direccte transmet le dossier à la représentation de l’OFII se trouvant dans le pays de résidence du candidat étranger. Après la visite médicale sur place, l’OFII transmet le dossier aux autorités consulaires (Consulat français ou antennes consulaires) du pays afin de délivrer au salarié un visa d’entrée sur le territoire. Une fois arrivé en France, le salarié étranger devra se présenter, soit à l’OFII afin de valider le visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS), soit à la Préfecture du lieu du domicile pour les autres titres.

Pour les autres salariés étrangers.

Après avoir donné son accord, la Direccte transmet le dossier à la représentation de l’OFII se trouvant dans le pays de résidence du candidat étranger. La demande est ensuite transmise aux autorités consulaires du pays pour la délivrance du visa d’entrée. Une fois arrivé en France, le salarié étranger devra se présenter soit à l’OFII pour valider le visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS), soit à la Préfecture du lieu du domicile pour les autres visas. La visite médicale obligatoire aura lieu dans les 3 mois suivant l’arrivée.

Avant l’expiration du visa du salarié étranger, l’employeur pourra demander le renouvellement de l’autorisation de travail auprès de la Direccte. De son côté, le salarié pourra obtenir le renouvellement de son titre de séjour.

2) La carte pluriannuelle dite « passeport talent ».

Le recrutement de salariés étrangers pour un poste en France est également possible par la procédure dite de « passeport talent » [3].

Le « passeport talent » est une carte pluriannuelle délivrée à certains salariés étrangers dont le recrutement remplit des conditions spécifiques (niveau de rémunération, diplômes, secteur d’activité de l’entreprise, groupe d’entreprises). Cette procédure est spécifique dans la mesure où celle-ci est liée au niveau de rémunération du salarié. Il existe plusieurs catégories de passeport talent.

2.1) Les avantages du passeport talent.

La passeport talent est avantageux à la fois pour l’employeur et le salarié étranger.
Pour l’employeur, les démarches administratives sont allégées dans la mesure où l’autorisation de travail n’est pas exigée pour cette procédure. Par ailleurs, ce titre permet une meilleur gestion des projets pour le recruteur car le salarié intègre le poste sur une période plus longue (4 ans maximum au lieu d’un an pour un titre de séjour classique).

Du côté du salarié étranger, ce titre facilite la mobilité de sa famille (conjoint et enfants mineurs) par la délivrance d’une carte « famille accompagnante ». Ainsi, le salarié étranger n’aura pas à faire une demande de regroupement familial qui est une procédure plus longue.

2.2) Les conditions du passeport talent selon la catégorie.

Il existe plusieurs catégories de passeport talent pour le recrutement d’un salarié directement depuis pour exercer un poste en France.

Le passeport talent « salarié qualifié » [4].

Pour solliciter ce titre, le candidat étranger doit remplir les conditions suivantes :
- Avoir obtenu en France, un diplôme de licence professionnelle, un Mastère Spécialisé / Master of Science (ou un diplôme équivalent au Master) ;
- La durée de son contrat de travail doit être supérieure 3 mois ;
- La rémunération brute annuelle prévue dans le contrat doit être supérieure ou égale à 36 946 euros.

Le passeport talent « salarié d’une entreprise innovante » [5].
Pour solliciter ce titre, le candidat étranger doit remplir les conditions suivantes :
- L’entreprise qui souhaite embaucher le salarié étranger doit être qualifiée de jeune entreprise innovante par l’administration ou avoir été reconnue innovante par le ministère de l’économie ;
- Les fonctions du salarié doivent avoir un lien direct avec le projet de recherche et de développement de l’entreprise ;
- Le contrat de travail du salarié doit prévoir une rémunération brute annuelle supérieure ou égale à 36 946 euros.

Le passeport talent « salarié en mission » [6].
Pour solliciter ce titre, le candidat étranger doit remplir les conditions suivantes :
- Le candidat étranger doit déjà être salarié d’une entreprise étrangère et doit venir en France pour exercer une activité salariée dans le cadre d’une mobilité entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises d’un même groupe (mobilité intragroupe) ;
- Le salarié doit disposer d’une ancienneté d’au moins 3 mois dans l’entreprise d’origine ;
- Le salarié doit également disposer d’un contrat de travail avec l’entreprise en France ;
- Le contrat de travail du salarié doit prévoir une rémunération brute annuelle d’au moins 33 251,40 euros.

2.3) La procédure pour obtenir le passeport talent.

Suite à la conclusion du contrat avec l’entreprise, le candidat étranger devra déposer un dossier de demande de passeport talent auprès du Consulat français (ou des autorités consulaires) de son pays de résidence pour obtenir un visa.

Le dossier comprend un formulaire spécifique ainsi que des pièces justifiant de l’identité, du parcours et des ressources du salarié. Il conviendra également de fournir un timbre fiscal de 225 euros, réglé en principe par l’employeur.

A son arrivée en France, le candidat étranger devra récupérer son passeport talent auprès de la Préfecture de son domicile.

En conclusion, il est essentiel pour un recruteur français de choisir la procédure la plus adaptée pour le recrutement de salariés depuis l’étranger. Il convient d’examiner de manière approfondie à la fois la fiche de poste, les qualifications attendues / le profil recherché, la durée du projet ainsi que les conditions de rémunérations du futur salarié.

Lors de la préparation du contrat de travail, le recruteur peut également s’interroger sur les mesures fiscales qui seront applicables au salarié.

En effet, il existe en France un régime fiscal de faveur, dit « régime des impatriés », permettant aux salariés venant effectuer une activité professionnelle en France depuis l’étranger de bénéficier de certaines exonérations fiscales [7]. Cette activité peut s’effectuer soit dans le cadre d’une mobilité intragroupe, soit dans le cadre d’un recrutement direct.

Pour en bénéficier, le salarié doit remplir les conditions suivantes : il doit établir sa résidence fiscale en France dans le cadre d’une embauche internationale et ne pas y avoir été domicilié au cours des 5 années précédentes.

S’il remplit ces conditions, le salarié étranger pourra être exonéré d’une partie de sa rémunération correspondant à la prime d’impatriation prévue dans son contrat (ou à 30% de la rémunération en cas de recrutement direct) et aux jours passés à l’étranger. Il pourra également être exonéré à hauteur de 50% de ses revenus financiers étrangers qu’il a perçu et de la limitation de l’impôt sur le fortune immobilière (IFI) aux biens situés en France. Le régime des impatriés est applicable durant 8 années suivant l’année de prise de fonction.

Axelle Keles
Avocate au Barreau de Paris

Article initialement publié sur Le Village de la Justice.

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.


Notes

[1Art. R5221-1 et suivants du Code du travail.

[2Arrêté ministériel du 18 janvier 2008 NOR IMID0800328A.

[3Art. L313-20 CESEDA.

[4Art. L313-20-1° CESEDA .)

[5rt. L313-20-1° CESEDA.

[6Art. L313-20-3° CESEDA.

[7Art. 155 B et 81-1° CGI.