Incidence de la nouvelle loi ASAP sur les relations commerciales fournisseurs/distributeurs.

Le 7 décembre 2020, la loi n° 2020-1525 d’accélération et de simplification de l’action publique (dite loi « ASAP ») a été promulguée après avoir été validée par le Conseil Constitutionnel.
Certaines dispositions de ce texte ont un impact direct sur les relations commerciales entre les fournisseurs et les distributeurs. Elles visent le régime de la convention unique (1.), le seuil de revente à perte et la promotion des denrées alimentaires (2.) et introduisent deux nouvelles pratiques restrictives de concurrence (3.).

1. Le régime de la convention unique est complété.

Le dispositif de la convention unique visé à l’article L441-3 du Code de commerce est complété [1] en vue de lutter contre les pratiques de centrales internationales qui fournissent, sans contrepartie évidente, des services à des distributeurs français.

Pour tout service ou obligation relevant d’un accord conclu avec une entité localisée hors du territoire français liée directement ou indirectement au distributeur concerné, le fournisseur et le distributeur ont l’obligation d’indiquer les informations suivantes au sein de la convention unique :
- L’objet,
- La date,
- Les modalités d’exécution,
- La rémunération ; et
- Les produits auxquels le service ou l’obligation se rapporte [2].

Ces informations devront figurer dans la convention unique si les produits objets de la convention sont mis sur le marché en France par un distributeur.

L’administration sera chargée de vérifier la licéité de ces accords. Pour rappel, tout manquement est passible d’une amende administrative d’un maximum de 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale [3].

2. Le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions pour les denrées alimentaires sont prolongés.

Le législateur a décidé d’abroger l’ordonnance n°2018-1128 du 18 décembre 2018, prise en application de loi Egalim de 2018, dont les dispositions relatives au seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions étaient limitées à 2 ans [4].

Toutefois ces dispositions sont reprises par la loi ASAP et prolongées jusqu’au 15 avril 2023. Le seuil de revente à parte reste relevé de 10% et les promotions restent encadrées en valeur et en volume pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie revendus en l’état au consommateur [5].

Cela signifie notamment que les distributeurs ont toujours l’obligation de fixer le prix de revente desdits produits au moins 10% au-dessus du prix d’achat effectif [6], qui est le seuil limite en dessous duquel un distributeur ne peut revendre un produit.

Pour rappel tout manquement à ces dispositions est puni d’une amende administrative d’un montant maximum de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale [7].

3. L’introduction de deux nouvelles pratiques restrictives de concurrence interdisant les pénalités disproportionnées et les déductions d’office.

Enfin, le législateur allonge la liste des pratiques restrictives de concurrence qui peuvent être sanctionnées et interdit [8] :
- D’imposer des pénalités disproportionnées au regard de l’inexécution d’engagements contractuels ; et
- De procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d’office du montant de la facture établie par le fournisseur, les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d’une date de livraison ou à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n’est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant.

L’interdiction des « pénalités disproportionnées » est nouvelle et générale. Elle fait toutefois écho au Guide des bonnes pratiques en matière de pénalités logistiques établi par la Commission d’examen des pratiques commerciales, qui préconisait de déterminer, avant la conclusion du contrat, des pénalités d’un montant « respectant la proportionnalité et la réciprocité dans la relation commerciale » [9].

La seconde interdiction, concernant la pratique des pénalités d’offices, est réintroduite dans le code de commerce après avoir été supprimée lors de la réforme de 2019 [10], dans un but de simplifier son contrôle et sa sanction.

Ces pratiques restrictives de concurrence peuvent être sanctionnées d’une amende civile d’un montant maximum de 5 M€ ou du triple du montant des avantages indument perçus ou obtenus ou de 5% du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Par ailleurs, les avantages indus seront considérés comme nuls et devront être restitués [11].

Mathias Kuhn,
Avocat au Barreau de Paris

Article initialement publié sur Le Village de la Justice.

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.


Notes

[1Article 138 de la loi ASAP.

[2Article L441-3, III, 4° du code de commerce.

[3Article L441-6 du code de commerce.

[4Article 125 de la loi ASAP.

[5Maximum de 34% du prix de vente et 25% du chiffre d’affaires prévisionnel fixé par la convention unique.

[6Article L442-3 du Code de commerce : « le prix d’achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat, minoré du montant de l’ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport ».

[7Article L442-5, I du code de commerce ; ou s’agissant d’un manquement à la réglementation sur l’encadrement des promotions d’un montant maximum de la moitié des dépenses de publicité effectuées au titre de l’avantage promotionnel pour une personne morale (article 125, II, E loi ASAP).

[8Article 139 de la loi ASAP introduisant le nouvel article L442-1, I, 3° du code de commerce.

[9CEPC, recommandation n°19-1 du 17 janvier 2019, §1.3.

[10Ancien article L442-6, I, 8° du Code de commerce.

[11Article L442-4 du Code de commerce.