L’application du décret Macron à la procédure prud’homale : c’est maintenant !

Le 1er août 2016, en pleine période estivale, sont entrées en vigueur des dispositions importantes du décret dit "Macron" modifiant à la fois la procédure devant les Conseils de Prud’hommes et devant les chambres sociales de la cour d’appel.

Cet article résume les dispositions principales qu’il convient de retenir.

I. Le prud’hommes, ce qu’il faut retenir :

le ministère de la Justice a mis en ligne des fiches pratiques, à consulter : fiches pratiques procédure prud’homale.

  • Le Conseil de Prud’hommes doit être saisi par une requête motivée et respectant les exigences de l’article 58 du Code de procédure civile.

A partir du 1er août 2016, il faut saisir le Conseil de Prud’hommes par une requête motivée respectant le formalisme de l’article 58 du CPC mais aussi celui de l’article R1452-2 du Code du travail. Vous pouvez utiliser la requête mis en ligne par le ministère de la Justice : requête cph saisine

  • Requête déposée en plusieurs exemplaires et communiquée au défendeur avec les pièces suivant bordereau.

Cette requête devra être déposée devant le Conseil de Prud’hommes avec les pièces suivant bordereau en autant d’exemplaires que de parties, le demandeur devra communiquer par lettre recommandée AR sa requête, son bordereau et ses pièces.

  • Fin de l’unicité d’instance

Plus d’unicité d’instance pour les demandes déposées à compter du 1er août 2016.

  • Des mises en état pour accélérer la procédure

Des mises en état auront lieu, le bureau de conciliation et d’orientation sera aussi le bureau de la mise en état, la radiation ou le rejet des pièces pourra être décidé.

  • Les dernières conclusions récapitulatives des avocats seront prises en compte.

Avocats, attention vous devrez rédiger des conclusions récapitulatives, seules ces dernières seront prises en compte par le Conseil de Prud’hommes.

II. La cour d’appel, ce qui change.

L’article 29 du décret n°2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail modifie l’article R 1461-2 du Code du travail qui sera rédigé ainsi :

« L’appel est porté devant la chambre sociale de la cour d’appel.
Il est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire. »

Cela signifie que pour les appels formés à partir du 1er août 2016, les articles 899 et suivants du Code de procédure civile s’appliqueront et les délais « couperets » du décret Magendie avec toutes les sanctions s’y rattachant : caducité de l’appel, irrecevabilité des conclusions etc…

D’une procédure orale et souple, la procédure devant les chambres sociales passent à une procédure écrite et stricte où les erreurs ne pardonnent pas ou plutôt sont rarement pardonnées par la cour d’appel.

Une bible doit être achetée : le Code de procédure civile et une autre bible devra être régulièrement consultée : l’agenda !

Ce qu’il faut retenir :

  • Procédure écrite et RPVA.

La procédure est écrite, les règles de l’article 899 et suivants du Code de procédure civile s’appliquent.

Déclaration d’appel, constitution, communication de pièces …, tous ces actes doivent s’effectuer par la voie du RPVA sauf si une des parties est un défenseur syndical.

L’intimé devra se constituer par un acte de constitution déposé au greffe par la voie du RPVA.
Les conclusions devront être signifiées simultanément avec les pièces, est-ce que cela veut dire qu’à la seconde où les conclusions ont été communiquées, les pièces doivent l’être également ? Non, la Cour de cassation a précisé que cette signification devait s’effectuer en « temps utile » (Cass.Assemblée Plénière, 5 décembre 2014 n°13-19.674 et Cass. Ass. plén. 5 décembre 2014 n°13-27.501).

Il n’est pas nécessaire de concentrer tous ces moyens dans ces premières conclusions tel l’a considéré la Cour de cassation dans un avis du 21 janvier 2013 n° 1300005) :
« Dans la procédure ordinaire avec représentation obligatoire en appel, les parties peuvent, jusqu’à la clôture de l’instruction, invoquer de nouveaux moyens. »

  • Délais.

Des délais sont à respecter pour conclure : 3 mois à compter du dépôt déclaration d’appel (et non de l’enregistrement - Cass.2ème civ 5 juin 2014 n°13 21.23) pour l’appelant, 2 mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant, pour l’intimé (et non pas à compter de l’expiration du délai de trois mois pour l’appelant pour conclure : 21 janvier 2016 - Cass.2ème civ n°14-29.207).

Si l’intimé ne se constitue pas, il faudra lui signifier la déclaration d’appel dans le mois suivant la notification du greffe puis lui signifier les conclusions et les pièces s’il ne s’est toujours pas constitué, attention : le dépôt des conclusions à la cour devra s’effectuer dans les trois mois du dépôt de la déclaration d’appel pour l’appelant, l’avis du greffe ne prolonge pas ce délai d’un mois ! (Cass. 2ème chambre, 19 mars 2015 n°14-10 952).

  • Dossier de plaidoirie.

L’article 912 du Code de procédure civile prévoit que le dossier comprenant les copies des pièces visées dans les conclusions numérotées dans l’ordre du bordereau récapitulatif doit être déposé à la cour 15 jours avant l’audience.

  • Fin de l’unicité d’instance et application de l’article 564, pas de demandes nouvelles en appel.

Dans le cadre des procédures devant le Conseil de Prud’hommes et la cour d’appel, chambre sociale s’appliquait la règle de l’unicité d’instance qui était édictée par l’article R 1452-6 du Code du travail et qui signifiait que toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur l’objet d’une seule instance.

Cela signifiait qu’il convenait de concentrer toutes nos demandes dans la même instance et cela avait également comme conséquence que devant la cour d’appel, qui est la continuation de l’instance prud’homale, il était possible de présenter de nouvelles demandes, comme il était possible devant le Conseil de Prud’hommes de présenter des nouvelles demandes tout au long de l’instance.

Aussi, l’article 564 du Code de procédure civile ne s’appliquait pas. Cette unicité d’instance avait également pour conséquence une péremption d’instance tout à fait particulière.

En effet, l’article R 1452-8 du Code du travail précisait qu’en matière prud’homale, l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du Code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

Avec le décret « Macron », l’unicité d’instance disparaît à compter du 1er août 2016 : ce qui signifie que toutes les instances engagées à compter du 1er août 2016 seront soumis au droit commun et au Code de procédure civile. Aussi, l’article 564 du Code de procédure civile s’appliquera, les parties ne pourront soumettre à la cour de nouvelles prétentions et donc des demandes nouvelles.

De même que dans l’hypothèse d’une radiation, il n’existera plus l’atténuation de l’article R 1452-8 du Code du travail, l’instance sera périmée suivant l’article 386 du Code de procédure civile « lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans ».

  • La communication avec le défenseur syndical.

Le décret « Macron » a décidé de maintenir la possibilité pour les organisations syndicales et professionnelles d’assister une partie devant la cour d’appel.

Le défenseur syndical a été mis en place, il est défini à l’article L 1453-4 du Code du travail. L’avocat et le défenseur syndical ne seront pas sur le même plan.

En effet, l’avocat est obligé par l’article 930-1 du Code de procédure civile de communiquer par voie électronique, le défenseur syndical en est dispensé par l’article 930-2 du même code. Le défenseur syndical n’ayant pas le RPVA, il faudra donc se reporter à la section notification entre avocats article 671 et suivants du Code de procédure civile.

Il pourra être procédé par notification directe de l’article 673 du Code de procédure civile ou par signification par huissier dans les conditions de l’article 672 du Code de procédure civile.

La signification aura bien entendu un coût, la notification directe sera à moindre coût. La notification directe peut s’effectuer par des moyens divers : télécopie, courrier électronique, envoi postal, etc. Il conviendra bien entendu d’utiliser un moyen qui permettre d’avoir une preuve de la communication des conclusions, le mieux est d’adresser les conclusions par recommandé avec avis de réception ou encore par télécopie.Le défenseur syndical devra-t-il se constituer avec un acte de procédure ?

Il devra en effet se constituer par un acte de constitution qu’il transmettra non pas par la voie électronique mais il remettra cet acte de constitution au greffe par support papier. Il devra notifier directement cette constitution à l’avocat appelant sous les formes de l’article 673 ou par signification de l’article 672 du Code de procédure civile.

  • La question du timbre fiscal.

Une circulaire du ministère de la Justice dispense les justiciables du règlement du timbre fiscal de 225 euros devant les chambres sociales dans le cadre des appels des jugements des Conseils de Prud’hommes (Voir mon article : Procédure d’appel Chambres sociales : dispense du paiement du timbre fiscal.)

Il faut être prudent : ce n’est qu’une circulaire qui n’a pas force de loi.

Toutefois, à mon avis, peu de magistrats s’opposeront à son application.

  • La question de la représentation de l’avocat dans toute la France ou la question de la territorialité.

Une circulaire du ministère de la Justice précise que les règles de territorialité ne s’appliquerait pas devant les chambres sociales.

Par conséquent, rien n’aurait changé : l’avocat, conseil en droit du travail pourrait représenter son client devant toutes les cours d’appels, chambres sociales de toute la France sans avoir besoin d’un postulant.
Il faut être extrêmement prudent, en effet, ce n’est qu’une circulaire qui n’a pas force de loi.

Michèle BAUER
Avocate à la Cour
Blog : http://michelebaueravocatbordeaux.fr
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Rédaction du site des Experts de l’entreprise.