L’éthique au sein des entreprises est-elle devenue incontournable ?

Les valeurs d’éthiques représentent-elles un nouvel atout majeur pour le développement des entreprises ? Elles sont de plus en plus nombreuses à prendre en compte la demande de la société de pouvoir bénéficier d’une économie plus vertueuse. Ainsi mettent-elles en place un service d’éthique chargé de promouvoir et surveiller l’application de ces normes particulières. C’est notamment le cas du groupe SNCF. Jean-Luc Dufournaud, son directeur de l’éthique depuis 2011, s’exprime à ce sujet.

Pour inspirer confiance et prospérer, une entreprise doit prendre en compte les valeurs déontologiques, les faire fructifier et montrer qu’elle a conscience de ses responsabilités envers ses salariés, ses collaborateurs externes et la société civile.

L’éthique dans les entreprises aujourd’hui est-elle devenue incontournable ?

Jean-Luc Dufournaud : Oui, c’est incontournable. L’environnement législatif et réglementaire fait que les entreprises ne peuvent plus se désintéresser de tous ces sujets, y compris les sujets humains. Il est donc indispensable de prévenir et de sensibiliser les dirigeants et les salariés. Mais j’ai également le sentiment que les problématiques éthiques, dans les grandes et moyennes entreprises, prennent plus de sens. On s’aperçoit aujourd’hui que l’on ne manage plus seulement par les règles, mais qu’il faut manager par les valeurs, et qu’il faut donc véhiculer ces valeurs, et les faire vivre.

Les salariés sont-il au fait de ces questions d’éthique ? Ou s’agit-il encore d’une notion floue ?

J.-L.D. : La conscience d’une démarche éthique progresse dans le groupe même si la notion d’éthique demeure encore assez floue dans l’esprit d’un certain nombre de nos collaborateurs. Nous essayons d’ailleurs d’aborder cette notion avec pragmatisme en exposant que l’éthique est d’abord une question de comportement quotidien avec ses collègues de travail, ses parties prenantes, ses fournisseurs ou ses clients. Nous indiquons aussi que c’est également la capacité à prendre le recul nécessaire, à faire preuve de discernement, à questionner son entourage professionnel direct ou la direction de l’éthique, lorsque l’on est confronté à un dilemme éthique au cours de sa carrière. Nous nous efforçons enfin de donner des exemples concrets, que nous alimentons grâce à nos enquêtes, en préservant bien sûr l’anonymat des personnes concernées.

J’observe que le dispositif d’alerte professionnelle est de plus en plus connu, les salariés acquérant le réflexe de saisir la direction de l’éthique, notamment grâce au guide que nous avons diffusé. L’année dernière, nous avons reçu 274 alertes professionnelles, une progression de plus de 40% par rapport à l’année précédente.

Quelles sont vos missions ? Et quels outils avez-vous à votre disposition ?

J.-L.D. : La direction de l’éthique est en charge d’une triple mission. Nous devons d’abord piloter la démarche éthique de l’entreprise, en travaillant sur la Charte éthique fondamentale du groupe ainsi que sur tous autres documents autour de thématiques déontologiques importantes. Nous avons par exemple établi et diffusé des guides sur les alertes professionnelles, sur les situations de conflit d’intérêt, sur la façon de traiter des allégations de discrimination ou de harcèlement. Plus récemment, nous avons mis au point le programme de prévention et de lutte contre la corruption.
Nous menons ensuite des actions de sensibilisation, en nous rendant dans un maximum d’entités de l’entreprise pour parler d’éthique. Parfois, un établissement nous demande de faire un focus sur un sujet particulier, en fonction de leurs propres préoccupations. Nous diffusons également des informations via une newsletter ou l’intranet du groupe, et nous organisons des matinées de l’éthique sur des thèmes ciblés.
Enfin, nous menons des enquêtes, de façon autonome, dès lors qu’il y a suspicion d’une situation particulièrement préoccupante. Deux personnes du service conduisent des entretiens et ont accès à tous éléments qui peuvent apporter un éclaircissement sur la situation concernée, y compris les ordinateurs et la messagerie professionnelle. À l’issue de cette enquête, nous rédigeons un rapport et des recommandations, qui peuvent aller jusqu’aux sanctions disciplinaires si les faits sont établis.

Découvrez la suite de cet interview sur le site du Village de la Justice : Ethique en entreprise : « Aujourd’hui, il faut manager par les valeurs ».

Clarisse Andry

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.