La protection du nom commercial.

Distinct de la dénomination sociale, le nom commercial n’est pas pour autant dénué de protection contre d’éventuelles usurpations. Celle-ci dépend toutefois de plusieurs critères.

Le nom commercial permet l’identification du fonds de commerce, du fonds libéral ou du fonds artisanal. Il s’agit même d’un élément du fonds qui est cédé avec ce dernier, sauf s’il est expressément exclu dans l’acte de cession.

Si le nom commercial est également le nom patronymique du gérant, il peut être cédé en autorisant le successeur à l’utiliser commercialement [1]. Il s’agit d’une application de la jurisprudence Bordas qui avait estimé que le nom patronymique était hors commerce, sauf si les parties l’avaient exploité commercialement [2].

La dénomination sociale sert, elle, à désigner la société. Lors d’une cession de fonds de commerce, c’est donc l’enseigne et le nom commercial qui sont cédés, sauf clause contraire.

Le nom commercial est donc un élément essentiel du fonds de commerce, qui l’identifie aux yeux des clients et des éventuels partenaires commerciaux.

Il est par conséquent particulièrement important qu’une protection soit prévue contre une éventuelle usurpation. Celle-ci suppose que plusieurs critères soient remplis.

La propriété du nom commercial.

Pour être protégé, encore faut-il que le titulaire du nom commercial bénéficie d’un droit de propriété sur ce nom.

A l’image des res nullius, les choses sans maîtres, la propriété du nom commercial s’acquiert par l’occupation [3].

Plus précisément, « le droit privatif sur le nom commercial s’acquiert par le premier usage personnel et public » [4].

Ainsi, il convient de démontrer devant le Tribunal saisi que :
- Le demandeur a utilisé le premier ce nom commercial ;
- Qu’il en a fait un usage personnel, c’est-à-dire dans son propre intérêt ;
- Que cet usage a été public, tel que l’utilisation de ce nom sur des factures, des lettres, des documents commerciaux ou des publicités. Cette condition n’est pas satisfaite si l’usage du nom commercial ne se situe que dans les rapports avec le personnel de l’entreprise et non dans ses relations avec des tiers [5] ;
- Que cet usage est non-équivoque : le nom commercial doit désigner le fonds et non un ou des produits de l’exploitation ou la personne de l’exploitant [6].

La jurisprudence exige parfois que cet usage ait été continu [7].

Seules ces conditions sont nécessaires pour prouver l’acquisition du nom commercial.

L’absence d’incidence de l’enregistrement au RCS.

L’article 8 de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883 prévoit que :

« Le nom commercial sera protégé dans tous les pays de l’Union sans obligation de dépôt ou d’enregistrement, qu’il fasse ou non partie d’une marque de fabrique ou de commerce ».

Le droit interne applique cette règle en affirmant que la propriété du nom commercial ne suppose pas un enregistrement [8].

Autrement dit, le fait que le concurrent ait enregistré le nom commercial litigieux au Registre du commerce et des sociétés n’a pas d’incidence si le véritable titulaire est capable de démontrer son utilisation antérieure et selon les conditions énumérées supra [9].

L’action en concurrence déloyale.

Le nom commercial est protégé par le droit de la responsabilité civile et plus particulièrement par l’action en concurrence déloyale.

Il convient toutefois de noter que pour que l’utilisation du nom commercial par un tiers soit considérée comme un acte de concurrence déloyale, il faut qu’il existe un risque de confusion pour les tiers.

Ce risque de confusion s’apprécie au regard des activités effectivement exercées et non au regard des activités énumérées dans l’objet social de la société [10].

Ainsi, si la société utilisant le nom commercial exerce la même activité que le titulaire du nom commercial, dans son rayonnement territorial, alors sa responsabilité peut être engagée sur le fondement de l’article 1240 du Code civil [11].

Il est dès lors possible de solliciter qu’il soit fait injonction au concurrent de cesser l’utilisation de ce nom commercial et sa condamnation à verser des dommages-intérêts visant à réparer les préjudices subis par cette usurpation (perte de clientèle, atteinte à l’image …).

Le cas particulier du dépôt à l’INPI.

Le dépôt du nom commercial à l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) en tant que marque permet de défendre ce dernier contre une utilisation indue par le biais d’une action en contrefaçon.

Le Code de la propriété intellectuelle s’applique dès lors, avec toutes ses particularités.

L’article L711-4 du Code de la propriété intellectuelle exige ainsi que, pour être opposable au dépôt de marque, le nom commercial employé en premier soit connu sur l’ensemble du territoire national, ce qui va à l’encontre de la restriction au seul rayonnement territoriale de l’action en concurrence déloyale.

Dans ce cas, l’article L713-6 du Code de la propriété intellectuelle précise que l’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du nom commercial lorsque cette utilisation est antérieure à l’enregistrement.

Conclusion.

La protection du nom commercial s’est construite petit à petit, principalement grâce à la jurisprudence. Elle suppose de rapporter un certain nombre de preuves.

Il ne saurait donc être trop conseillé de préparer méticuleusement son action en concurrence déloyale, en s’assurant d’avoir réuni suffisamment d’éléments démontrant la propriété du nom commercial et le risque de confusion que son usurpation fait peser.

Nicolas Silvestre,
Avocat au Barreau de Dax (40).

Article initialement publié sur le Village de la Justice.

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.


Notes

[1Civ. 3ème, 25 nov. 2009, n° 08-21.384.

[2Com., 12 mars 1985, n° 84-17.163.

[3Par ex., Com. 29 juin 1999, n° 97-16.189.

[4Com., 24 nov. 1992, n°90-21.230.

[5CA Paris, 7 nov. 1994, JCP E 1996 I 567, n°8, obs. J.-J. Burst.

[6Com., 5 janv. 1988, Bull. Civ. IV, n°6.

[7Com., 30 nov. 1983, n° 82-11.099.

[8Com., 24 nov. 1992, n°90-21.230.

[9Com., 29 juin 1999, n°97-16.189.

[10Com., 10 juill. 2012, n° 08-12.010.

[11Com., 12 févr. 2002, n°00-11.602.