Les bases de données, des actifs immatériels précieux dans l’économie numérique.

Protéger et valoriser ses actifs immatériels est l’affaire tant des TPE/PME que des groupes. Pour identifier les actions à mettre en œuvre et les ressources à mobiliser en vue d’une gouvernance efficace de la propriété intellectuelle, ces actifs doivent être recensés puis cartographiés. En effet, les acteurs économiques peuvent connaître le ou les éléments incorporels au cœur de leur activité mais ne pas avoir une vision exhaustive de leur capital immatériel, ni de l’étendue de leurs droits. C’est notamment le cas lorsque le bénéfice de la protection par la propriété intellectuelle n’est pas subordonné à la réalisation d’un dépôt auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi).

Dans le cadre de cette démarche de cartographie, les bases de données - élément essentiel dans la valorisation de l’entreprise - ne doivent pas être oubliées compte tenu de leur importance dans l’économie numérique actuelle.

Comment ces précieux actifs immatériels sont-ils protégés ? Comment concilier l’Open data [1] et la protection des bases de données par la propriété intellectuelle ?

La base de données est « un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen » [2]. Sa structure, c’est-à-dire la manière dont les données sont agencées, est protégée par le droit d’auteur dès lors que le critère d’originalité est satisfait. Par ailleurs, la personne ayant effectué un investissement financier, matériel ou humain substantiel d’un point de vue qualitatif (efforts intellectuels) ou quantitatifs (moyens chiffrables) dans ladite base bénéficie d’un droit sur son contenu. Il s’agit du droit sui generis du producteur de base de données [3]. La preuve de ces investissements pourra être rapportée par tous moyens. A titre d’illustration, des livres de paie, des factures ou encore des documents contractuels ont pu être utilisés pour justifier d’investissements ; toute extraction illicite pouvant par ailleurs être démontrée au moyen d’adresses pièges construites à partir de noms de domaine factices [4]

Compte tenu de sa valeur économique, le contenu d’une base de données est susceptible d’être l’objet de convoitise. Il peut aussi être valorisé en concédant un droit d’utilisation (licence) ou en cédant le droit de propriété intellectuelle qui s’y attache. Etant précisé que la stratégie à mettre en place dépendra des besoins et des objectifs du titulaire des droits de propriété intellectuelle ; chaque solution présentant ses avantages et ses inconvénients.

Cet actif immatériel soulève aussi des enjeux de conformité juridique et technique lorsqu’il contient des données à caractère personnel [5]

Dans le cadre de la révolution numérique actuelle, soulignons que le droit sui generis du producteur de la base de données dont les administrations sont titulaires trouve une application particulière. Favorisant l’ouverture des données et la réutilisation de celles-ci, la loi pour une République numérique a apporté une limite au droit des administrations productrices de bases de données au sens du Code de la propriété intellectuelle [6].
Désormais ces entités publiques ne peuvent pas faire obstacle à la réutilisation du contenu des bases de données qu’elles publient, sauf si ces dernières ont été produites ou reçues dans le cadre d’une activité concurrentielle [7].
Toutefois, l’introduction d’éléments eux-mêmes protégés par des droits de propriété intellectuelle (images par exemple) dont un tiers serait titulaire ne serait-il pas de nature à faire obstacle à l’ouverture encouragée ? 

La sensibilisation et la formation des décideurs et acteurs internes aux entités sont deux outils qui permettront à terme de diffuser une véritable culture de la propriété intellectuelle comme instrument de valorisation et de croissance.

Garance Mathias, Avocat fondateur
Mathias Avocats.

Article initialement publié dans le Journal du Management Juridique n°60.

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.


Notes

[1« Données qu’un organisme met à la disposition de tous sous forme de fichiers numériques afin de permettre leur réutilisation. », Vocabulaire de l’informatique et du droit, JORF n°0103 du 3 mai 2014.

[2Article L112-3 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle.

[3Articles L342-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

[4CA Paris, 7 juin 2016, n°15/03078.

[5Règlement 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD).

[6Article 11 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, JORF n°0235 du 8 octobre 2016. Sans faire une application expresse de cette disposition, le Conseil d’Etat a pu retenir une solution s’inscrivant dans ce mouvement d’ouverture des bases de données publiques (CE, 8 fév. 2017, n°389806).

[7Article L321-3 du Code des relations entre le public et l’administration.