Licenciement pour inaptitude : les nouveaux risques depuis le 1er janvier 2017.

La loi « Travail » du 9 août 2016 et son décret d’application récent n°2016-1908 du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la médecine du travail, a des répercussions concrètes sur la procédure de reconnaissance d’inaptitude d’un salarié par la médecine du travail et sur la procédure de licenciement que peut mettre en œuvre l’employeur qui se serait acquitté au préalable de son obligation de reclassement.

La procédure va, sur certains points, se complexifier là où certains diront que la loi devait la simplifier…

Rappelons le principe de pouvoir souverain du médecin du travail en matière d’inaptitude :

Le salarié bénéficie obligatoirement d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail :
• Après un congé de maternité ;
• Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
• Après une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.

Dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, c’est à lui de saisir le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de 8 jours qui suivent cette reprise (article 4624-31 du Code du travail).

Employeurs, salariés, 5 nouveautés applicables depuis le 1er janvier 2017, méritent un œil attentif de votre part :

1. Un seul examen médical du médecin du travail suffit.

Désormais pour déclarer un salarié inapte, il suffit que le médecin du travail constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail n’est possible et que l’état de santé du salarié justifie un changement de poste.

Le médecin du travail doit faire ce constat après avoir réalisé ou fait réaliser une étude de poste et suite à un échange avec le salarié et l’employeur (Article R4624-42 du Code du travail).
Le principe d’un double examen médical pratiqué par le médecin du travail espacé de 15 jours n’existe donc plus. Le médecin du travail peut néanmoins, s’il le juge nécessaire, pratiquer un second examen médical dans les 15 jours suivant le premier examen.

2. L’employeur peut être dispensé de son obligation de reclassement pour la première fois par le Code du travail.

Aussi bien en matière d’inaptitude professionnelle qu’en matière d’inaptitude non-professionnelle, l’employeur est dispensé de cette obligation de reclassement pour licencier un salarié déclaré inapte si le médecin du travail mentionne expressément dans son avis que :
• « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ;
Ou
• « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
(Article L1226-2-1 du code du travail)

3. En cas d’inaptitude avec reclassement prononcé par le médecin du travail, outre l’avis qu’il rend, le médecin du travail doit obligatoirement formuler par écrit des précisions sur le reclassement.

C’est donc une obligation mise à la charge du médecin du travail qui évite à l’employeur de se situer dans l’incertitude sur les postes à proposer (Article L4624-4 du Code du travail).

Pour cela, le médecin du travail doit expliquer sa décision à l’employeur mais aussi au salarié.
Il doit donc recevoir le salarié et échanger avec l’employeur afin de leur faire part de son avis, et des propositions qu’il entend adresser à l’employeur (Article L4624-5 et R4624-42 du Code du travail).

4. L’obligation de consultation des délégués du personnel même en matière d’aptitude non professionnelle.

C’est ici un changement majeur que devra prendre en compte l’employeur. Avant les nouvelles dispositions de la loi Travail, cette consultation n’était rendue obligatoire qu’en matière d’inaptitude d’origine professionnelle. Désormais elle le sera aussi en matière d’inaptitude ayant une origine non professionnelle.

Il est à rappeler que cette obligation de consultation doit se faire avant la première proposition de reclassement sinon elle n’est pas satisfaite.

5. L’avis du médecin du travail peut être contesté devant le Conseil des Prud’hommes.

Salariés et employeurs : vous pouvez désormais contester les éléments de nature médicale justifiant l’avis d’inaptitude, les propositions, conclusions écrites ou indications émises par le médecin du travail.

Ainsi, vous pouvez saisir le conseil de prud’hommes d’une demande de désignation d’un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel.

L’affaire sera directement portée devant la formation de référé (procédure prud’homale d’urgence) dans le délai de 15 jours suivant la notification de l’avis ou des mesures pries par le médecin du travail (Article R4624-5 du Code du travail).

Pour finir, employeurs, retenez toujours que l’inaptitude qu’elle soit d’origine professionnelle ou non, permet la rupture du contrat de travail du salarié uniquement lorsque vous justifiez :
• soit de votre impossibilité de proposer un poste de reclassement dans les conditions de l’article L1226-2 du Code du travail en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail ;
• soit du refus par le salarié d ’un poste de reclassement proposé dans les conditions de l’article L1226-2 du Code du travail ;
• soit de la mention expresse, dans l’avis du médecin du travail, que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Si l’un de ces trois cas se présente, il vous faudra alors faire connaître par écrit à votre salariés les motifs qui empêchent son reclassement (Article L1226-2-1 du Code du travail).

Dans tous les cas, chaque situation est unique et l’assistance d’un avocat expert en droit du travail est fortement conseillée que vous soyez employeur ou salarié afin de faire valoir vos droits.

Jérémie Aharfi, Avocat au barreau de Toulouse. 

Article initialement publié dans le Journal du Management Juridique n°59.

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.