Pourquoi faut-il éviter de diriger une entreprise étrangère quand on réside en France ?

Il s’agit d’un sujet que je vois de plus en plus souvent et les dirigeants que je croise ne sont pas assez alertés sur les dangers de cette situation. Un dirigeant habite en France avec sa famille et choisit de diriger une entreprise étrangère ; sa démarche est tout à fait officielle.

Il se peut par exemple que vous dirigiez une entreprise en France, et qu’à un moment donné, vous trouviez une cohérence à avoir un développement commercial dans un autre pays ; vous allez devenir dirigeant d’une société étrangère. Mais vous administrez la société étrangère à partir de la France et c’est là que commence véritablement le danger : le risque est élevé que l’administration fiscale vienne reprocher à cette entreprise étrangère d’exercer son activité non pas à partir de son lieu d’immatriculation mais à partir de la France.

Pour établir la preuve que l’entreprise étrangère est administrée à partir de la France, il suffira à l’administration, pour venir vous embêter, de démontrer : premièrement que vous êtes le dirigeant et, deuxièmement, que vous échangez des e-mails avec la société étrangère et que vous travaillez physiquement à partir de la France.

L’incidence n’est pas neutre puisqu’elle peut aboutir à des redressements très importants, en matière de TVA et d’impôts sur les sociétés. La dangerosité de cette situation est que lorsqu’une entreprise étrangère travaille à partir de la France sans être déclarée en France, l’administration va la considérer comme une entreprise dite ‘occulte’ ou exerçant une activité ‘occulte’.

Le premier risque réside dans la prescription pour poursuivre et sanctionner la société : elle n’est pas de 3 ans, plus l’année en cours, mais de 10 ans. L’enjeu est donc très élevé en termes de volumétrie puisqu’on peut remettre en cause toute votre activité étrangère depuis 10 ans.

Le deuxième risque est que les pénalités qui s’appliquent ne sont pas des pénalités de 40% mais de 80% : une entreprise ayant une activité occulte encourt effectivement 80% de pénalités.

La troisième difficulté est que vous vous retrouvez dans une procédure ‘d’évaluation d’office’ : l’administration évalue unilatéralement votre base d’imposition et c’est à vous de démontrer que l’administration se trompe.

Par conséquent, le meilleur conseil que je puisse vous donner est le suivant : lorsque vous êtes dirigeant d’une entreprise étrangère - surtout des entreprises de conseil qui n’ont pas de localisation physique, pas de locaux de fabrication, pas de locaux commerciaux à l’étranger, mais essentiellement de l’incorporel - veillez, si vous le pouvez, à ne pas être dirigeant de la société de droit étranger et à avoir un cadre très clair la concernant.

Une autre solution serait de regarder si vous pouvez avoir, en parallèle de l’entreprise étrangère que vous dirigez, un bureau en France de cette entreprise étrangère. Ce choix établirait une sorte de consensus où l’on aurait une petite fiscalité en France sur l’activité générée à partir de la France, notamment le temps que vous consacrez à cette entreprise étrangère depuis la France, et une autre volumétrie d’imposition dans l’État d’installation de l’entreprise.

Donc, vous avez le choix entre ne plus être le dirigeant de cette société ou toujours l’être si vous devez impérativement le rester ; dans le second cas, peut-être faut-il vous poser la question de savoir si vous n’avez pas intérêt à immatriculer cette entreprise étrangère en France, ce qu’on appelle déclarer un établissement stable en France d’une société étrangère ; ce n’est pas très compliqué, la formalité s’effectue au greffe du tribunal de commerce. Vous aurez effectivement ensuite des obligations fiscales mais vous gagnerez beaucoup en tranquillité.

Par Frédéric Naïm, avocat fiscaliste.

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.