Protéger l’innovation avec les CPI.

Qu’il s’agisse de produits, de techniques, de marques, de modèles ou encore de dessins, toutes les entreprises qui innovent sont concernées par la propriété industrielle. Or, protéger efficacement ce qui a été mis au point au prix d’investissements conséquents, cela ne s’improvise pas. Les Conseils en Propriété Industrielle (ou CPI) sont des experts qui vous aident et vous orientent pour savoir : Comment garantir au mieux vos innovations ? Comment déposer avec le moindre risque ? Quels accords négocier avec des partenaires ? Ou encore comment repérer les atteintes et quelles sont les réactions les plus adaptées ?

La propriété industrielle a deux facettes principales, l’une juridique et l’autre technique, que l’on retrouve dans les différents profils des CPI. Dans la plupart des cabinets coexistent en effet des conseils formés avec un master de droit et d’autres ayant une formation scientifique. En sus de cette formation initiale, les uns et les autres se sont formés 3 ans sur le terrain sous la responsabilité d’une personne qualifiée, puis ont passé un examen organisé par l’INPI.
Ils deviennent alors des membres, selon les termes d’Alain Michelet, Président de la CNCPI [1], de cette « profession libérale spécialisée dans le droit de l’innovation » et dont « l’objectif est de faire prospérer les entreprises ». En tant que membre d’une profession réglementée, le comportement du conseil doit être irréprochable, tant dans l’interdiction de démarcher que dans le respect de la confidentialité et l’évitement du conflit d’intérêts, pour les clients actuels comme pour les anciens [2] .

Votre invention est-elle libre ?

Rien ne vous garantit que votre invention est réellement innovante. Pour en avoir le cœur net, il convient de faire une recherche d’antériorité. Concernant les marques, la démarche s’est accélérée ces dernières années avec la mise en ligne des données des offices. Mais, pour les brevets, la difficulté reste entière. Si les recherches en ligne sont bien sûr possibles, elles demandent un grand savoir-faire. C’est la raison pour laquelle, précise Nathalie Dreyfus, dirigeante du cabinet Dreyfus, «  les CPI scientifiques sont devenus beaucoup plus spécialisés qu’auparavant – chimie, biotechnologies – pour être capable de déterminer de manière optimale si une technique scientifique pourrait déjà avoir été brevetée ». Les cabinets se sont également dotés de techniques de mapping pour s’orienter dans la masse des documents disponibles, en combinant l’expérience des conseils et le savoir des clients. Mais, à cet égard, la profession de CPI reste une profession fondamentalement juridique, avec l’incertitude qui va avec : « même si le brevet est accepté par l’office, ajoute Martin Schmidt, CPI chez IXAS Conseil, le dernier mot revient aux tribunaux. Le destinataire final d’un brevet est le juge, qu’il s’agisse de la validité ou de la contrefaçon du brevet, et la rédaction d’un brevet doit en tenir compte ».

Quel suivi attendre ?

Pour les entreprises qui souhaitent une interaction forte avec leur conseil en protection industrielle, notamment celles déposant beaucoup de marques, ou celles qui veulent avoir accès en permanence à leur portefeuille, aux dossiers en cours et aux délais légaux, de plus en plus de cabinets offrent une plate-forme client en ligne. « Cela facilite une communication transparente, souligne Nathalie Dreyfus, en permettant à nos clients de suivre notre activité et de nous donner des instructions rapides et précises sur leur portefeuille ».

Le brevet ne fait pas tout :

Lorsqu’une entreprise ou un particulier met au point une invention, ils ont tendance à penser brevet. Mais breveter est toujours un second choix, et l’idéal serait de garder les bénéfices de son invention sans avoir ni à l’enregistrer ni à la dévoiler. Quand, 18 mois après son dépôt, le brevet sera rendu public, les risques d’un usage non-autorisé augmenteront fortement. Or, prouver la contrefaçon d’un processus industriel est complexe car cela nécessite un travail de renseignement au sein même de sites de production parfois lointains. Il faut donc une stratégie optimale : « Ce qui importe, explique Martin Schmidt, c’est de se poser les bonnes questions : faut-il breveter ? Si oui, quand ? Où ? Pourquoi ? Comment ?  ». Il est par exemple possible de garder le secret sur un processus de fabrication le plus longtemps possible. L’exemple le plus emblématique de cette stratégie étant Coca-Cola, qui n’a jamais dévoilé sa recette. Puisque, évidemment, tout chimiste équipé d’appareils de chromatographie peut donner la liste parfaitement quantifiée des ingrédients, c’est le procédé de fabrication qui en est tenu secret. Une telle pratique implique une stratégie de la confidentialité, comme de « répartir entre plusieurs équipes les composants d’une formule chimique, suggère Alain Michelet, ou encore de modifier la tare des unités de mesure afin de dissimuler la température adéquate à la bonne transformation d’un matériau ». Lorsque le secret n’est pas ou plus possible, alors le brevet devient un recours indispensable. Mais, là encore, la mesure est de rigueur, et il n’est pas nécessaire de tout breveter : « il faut donner suffisamment d’informations, explique Valérie Feray, présidente d’Ipsilon, pour que la « suffisance de description » permette le dépôt de brevet, tout en divulguant le strict nécessaire. Rien n’oblige par exemple à donner tous les détails de la meilleure manière d’arriver au résultat voulu ». Il est possible également de déposer un élément technique, comme un outil inventé pour réaliser l’opération, qui soit à la fois nécessaire au processus mais insuffisant pour quelqu’un qui ne maîtrise pas les autres phases.
Quant à savoir où déposer, il est bon de se garder d’une tendance à déposer partout, au nom d’une grande ambition pour le produit, car, souligne Martin Schmidt, « la protection mondiale coûte cher, et c’est une analyse au cas par cas qui s’impose. Je conseille souvent à mes clients de se concentrer sur les pays techniquement capables de produire leur innovation, et principalement sur les pays riches ou des économies émergentes incontournables ».

Innover de manière dynamique :

De nouvelles questions se posent dès le passage à la production de cette invention. Pour mettre au point un prototype, il est fréquent d’avoir à faire intervenir un mouliste « qui peut apporter, indique Alain Michelet, des modifications substantielles au produit. Dès lors, à qui appartient le dessin de la pièce finale, fruit de cette collaboration ? Cette incertitude est un risque réel pour l’inventeur, et il est clairement préférable d’avoir négocié un accord au préalable qui l’évite ». Des problématiques similaires émergent lorsque plusieurs entreprises travaillent ensemble sur un projet : « Si un fabricant de machines-outils et un fabricant de tissus mettent au point une chaîne de production pour un nouveau produit très performant, qui est l’inventeur de cet outil de travail ? C’est pourquoi je suggère d’une part de dater tous les documents pour établir les apports respectifs de tous les intervenants, et d’autre part, de signer un contrat clair, en amont, qui identifie les droits de chacun ».

Comment réagir face à une atteinte ?

Déposer, c’est bien mais ça n’est que le début, et protéger est une tâche qui demande une attention permanente. « La mise en ligne des données s’est grandement améliorée, souligne Nathalie Dreyfus, mais le volume d’information a également augmenté : 
entre les noms de domaines, les sites d’enchères, les applications, les réseaux sociaux, les adwords, il faut tout surveiller, jusquesur l’Internet chinois  ».

La stratégie consiste ensuite à savoir quand et comment réagir. À cet égard, « le mot-clef est la réactivité, pour Séverine Fitoussi du cabinet Bletry, car les délais sont toujours limités. Et, de manière générale, les solutions à l’amiable sont préférables ; c’est un gain de temps et d’argent pour nos clients qui, même si ça n’était pas leur premier réflexe, comprennent le sens de la démarche ».
Certains territoires restent particulièrement difficiles : « dans certains pays, précise Florence Briec, responsable du service Marques et Modèles chez Ipsilon, le système juridique est trop peu clair pour pouvoir se protéger de manière classique, parce que les procédures sont flottantes, les délais non respectés, et les juges partiaux envers les étrangers. Il peut être préférable de se mettre au diapason de la culture du pays et ne pas envisager une stratégie classique de protection par la propriété industrielle  ». Autre zone de non-droit, les réseaux sociaux, où il n’existe bien sûr pas de jurisprudence, et où les dirigeants du réseau sont juges et parties : « malgré des tentatives d’introduire des procédures neutres, les procédures judiciaires restent globalement inadaptées à l’Internet  ».

Le brevet en changement :

Le brevet unitaire européen devrait arriver courant 2016. Un changement majeur alors qu’aujourd’hui, pour qu’un brevet européen actuel soit valable au sein de l’Organisation européenne des brevets (OEB), l’inventeur doit obtenir 38 validations dans des pays parlant 29 langues – avec des frais considérables, notamment de traduction.
Avec le brevet unitaire, tout inventeur pourra demander à l’Office européen des brevets (OEB) un brevet unitaire européen lui assurant une protection dans les 25 États membres participants. La demande de transformation d’un « brevet européen » 
en « brevet unitaire » pourra être faite au moment de sa délivrance. Néanmoins, ajoute Martin Schmidt, CPI chez IXAS Conseil, « requérir un brevet unitaire doit être une décision tactique, mais pas une position de principe, car c’est une arme à double tranchant : cela facilitera tout autant l’attaque contre les contrefacteurs que cela rendra possible qu’un tribunal à l’autre bout de l’Europe vous prive de vos droits, avec effet dans toute l’Europe ».

Choisir son Conseil en Propriété Industrielle :

Que vous cherchiez sur un moteur de recherche ou sur le site de la CNCPI, plusieurs critères doivent rentrer en ligne de compte :

  • Votre CPI est-il géographiquement proche de votre entreprise ?
  • A-t-il une filiale ou un partenaire dans tous les pays où vous êtes économiquement actifs ?
  • Les tarifs sont-ils transparents, pour les procédures légales comme pour toutes les prestations supplémentaires ?
  • Quelle stabilité aurez-vous en matière d’interlocuteur ?
  • Peut-il répondre à vos besoins spécifiques, comme votre forte présence sur internet ? Ou une spécialisation scientifique très poussée ?
  • Les explications juridiques qu’il vous donne sont-elles compréhensibles ?

Auteur : Jordan Belgrave

Animateur du site des Experts de l’entreprise


Notes

[1Compagnie Nationale des CPI

[2Décret n° 2004-199 du 25 février 2004 modifiant le code de la propriété intellectuelle