Réseaux de distribution et droit du travail, le retour au bon sens ?

Au cours des dernières années, les réseaux de distribution ont été la cible d’une certaine « frénésie » législative (Lois Hamon, Macron, El Khomri). C’est en particulier sur le terrain du droit du travail que l’intervention du législateur a suscité de vives inquiétudes laissant craindre aux réseaux une perte notable de leur attractivité. Ces derniers mois laissent finalement entrevoir une certaine embellie.

L’abrogation de l’instance de dialogue social.

Le dernier fait marquant de l’agitation législative reste sans nul doute l’instauration par la Loi du 8 août 2016 dite « Loi Travail » d’une instance de dialogue social au sein des réseaux d’exploitants comprenant plus de 300 salariés en France et liés par un contrat de franchise contenant des clauses ayant un effet sur l’organisation du travail et les conditions de travail des salariés des entreprises franchisées.

En pratique, de nombreux réseaux de franchise étaient concernés par ce dispositif dès lors que le savoir faire transmis par les franchiseurs contient très souvent des instructions précises ayant une incidence sur les conditions de travail des salariés des franchisés (horaires de travail, méthodes de vente, tenue vestimentaire). 

La création de cette instance a été très largement critiquée par les réseaux de franchise et la doctrine qui y ont vu, à juste titre, une immixtion outrancière des mécanismes du droit du travail au sein des réseaux et une contradiction franche avec l’indépendance économique et juridique des franchisés.

Le Sénat, qui s’était déjà opposé à l’adoption du dispositif en 2016, a proposé son abrogation pure et simple à l’occasion des débats parlementaires portant sur le projet de loi de ratification des ordonnances « Travail ». 

Le 29 mars 2018, la loi de ratification n°2018-217 a été adoptée et a ainsi entérinée l’abrogation de l’obligation d’instaurer au sein de certains réseaux de franchise une instance de dialogue social. 

Précisons que la loi a passé le filtre du Conseil constitutionnel qui a considéré comme conforme à la Constitution « la suppression d’une instance de dialogue social au sein d’un réseau de franchise, lequel ne constitue pas une communauté de travail » [1]

Assouplissement des règles en matière de reclassement des salariés au sein d’un réseau de distribution.

Il est jugé depuis plusieurs années que l’ensemble des sociétés franchisées membres d’un réseau constituent le périmètre de l’obligation de reclassement de l’employeur vis à vis de ses salariés. En particulier, l’indépendance juridique des entreprises franchisées n’est pas, selon les tribunaux, de nature à faire obstacle à la reconnaissance au sein du réseau d’un « groupe » de reclassement des salariés [2]

L’Ordonnance « Travail » du 22 septembre 2017 devrait sérieusement remettre en cause cette solution. 

En effet, en vertu de cette Ordonnance l’employeur doit rechercher à reclasser ses salariés au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient. Celui-ci est désormais (et enfin !) défini par l’article L.2331-1 du Code du travail comme « une entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies par les articles L233-1, L233-3 et L233-16 du Code de commerce ». 
Un groupe n’existe donc que s’il est démontré l’existence de liens capitalistiques entre plusieurs sociétés, l’exercice d’un contrôle résultant de la détention de droits de vote ou encore l’exercice d’une influence déterminante d’une entreprise sur une autre en vertu d’un contrat. 

L’absence de liens capitalistiques entre les franchisés et l’indépendance économique et juridique de chaque franchisé devraient s’opposer à ce que les réseaux de franchise soient assimilés à des groupes au sens de l’Ordonnance « Travail », évitant ainsi aux employeurs franchisés le périlleux (et souvent impossible) exercice de reclassement au sein du réseau. 

Les risques de recalcification en contrat de travail toujours présents.

La vigilance reste en revanche de mise pour éviter les risques de requalification des contrats de franchise, de commission affiliation ou d’agence commerciale en contrats de travail ou d’application du statut de gérant de succursale [3].

Encore de nombreuses décisions rendues par les Tribunaux en 2017 rappellent que si la tête de réseau peut disposer d’un droit de regard et d’information sur l’activité du franchisé, du commissionnaire ou de l’agent commercial, ce droit de regard ne doit pas être de nature à leur faire perdre leur autonomie et leur indépendance dans la gestion et la conduite de leur activité [4].

Olivia Klein,
Avocate.

Article initialement publié dans le Journal du Management Juridique n°63.

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.


Notes

[1Décision du 21 mars 2018 n°2018-761 DC.

[2Voir CA Toulouse 9 octobre 2015, RG 13/05919, CA Versailles 1er mars 2017, RG 15/02579.

[3Article L7321-2 du Code du travail.

[4Pour un agent commercial : CA Aix en Provence 27 juillet 2017 n°15/16425 ; pour un commissionnaire affilié : CA Bourges 10 mars 2017, n°16/00361 ; pour un franchisé et sur les conséquences de la requalification en gérant de succursale : Cass. Com 4 mai 2017, n°15-20689.