Rupture conventionnelle et harcèlement moral.

Instaurée par la loi du 25 juin 2008, la rupture conventionnelle est un mode amiable de cessation du contrat de travail, par lequel l’employeur et le salarié conviennent en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie (art. L. 1237-11 C. trav).

S’il est important, son succès doit cependant être mesuré au regard du fait que la validité de la convention de rupture peut être remise en cause autant de fois qu’un vice de consentement est susceptible de l’affecter.

Aux vices du consentement (erreur, violence, dol) s’ajoutent les faits de harcèlement moral qui viennent perturber la validité de la rupture conventionnelle, en tant qu’agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié (art. L. 1152-1 C. trav).

L’existence de faits de harcèlement moral est-elle de nature à entraîner la nullité de la rupture conventionnelle ?

Dans un arrêt du 23 janvier 2019 (n° 17-21.550), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé qu’en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail.

La juridiction d’appel avait retenu la nullité de la rupture conventionnelle en jugeant qu’un salarié peut obtenir l’annulation de la rupture de son contrat de travail dès lors qu’il établit qu’elle est intervenue dans un contexte de harcèlement moral, sans avoir à prouver un vice du consentement.

La Cour de cassation considère au contraire que les faits de harcèlement moral ne sont susceptibles d’entraîner la nullité de la convention de rupture qu’à la condition qu’un vice du consentement soit caractérisé.

Autrement dit, les faits de harcèlement moral ne constituent pas un motif autonome de nullité de la rupture conventionnelle, comme une manière pour la Cour de marquer l’affirmation du droit général des contrats sur le droit spécial du travail, de rappeler que la rupture conventionnelle ne constitue pas moins qu’une convention de droit commun.

Par le passé, la Cour de cassation a pu approuver la nullité d’une rupture conventionnelle lorsque le salarié était au moment de la signature de l’acte dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral dont elle a constaté l’existence et des troubles psychologiques qui en sont résultés [1].

Dans le même mouvement, la Cour de cassation a considéré que le consentement du salarié était vicié lorsque l’employeur menace le salarié de voir ternir la poursuite de son parcours professionnel et l’incite, par une pression, à choisir la voie de la rupture conventionnelle [2].

Pour autant, l’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail [3].

Reste que la frontière entre harcèlement moral et violence morale est assez ténue, de sorte qu’en pratique, l’existence de tensions entre salarié et employeur au moment de la conclusion de la rupture conventionnelle impose à ce dernier de ne pas donner suite, sous peine de voir courir le risque de la nullité de la convention judiciairement constatée.

Jérémy Duclos, Avocat à la Cour

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.


Notes

[1Cass. Soc., 30 janvier 2013, 11-22.332.

[2Cass. Soc., 23 mai 2013, n° 12-13.865.

[3Cass. Soc., 19 novembre 2014, n° 13-21.979.