Sécurité juridique et interprétation des textes fiscaux.

Les lois fiscales ont un caractère d’ordre public ; elles déterminent donc des règles auxquelles il est interdit de déroger par des conventions particulières et leur interprétation devrait être faite en tenant compte de ce caractère particulier qui leur est attribué.

Pour le contribuable, et sans que la légitimité de l’impôt soit contestée, le prélèvement fiscal est le plus souvent considéré comme une ponction opérée sur son patrimoine et de nature à porter atteinte à ses droits. C’est en ce sens qu’un Commissaire du Gouvernement dans ses conclusions relevait opportunément que « le droit fiscal étant un droit de prélèvement, c’est-à-dire d’exception, il doit être interprété au sens le plus strict et on ne saurait tolérer aucune imposition qui ne soit exactement prescrite par un texte. »

On ne peut que souscrire à une telle idée mais en tant que contribuable on peut s’interroger, à la lecture de nombreuses décisions rendues, sur l’application faite par le juge de ce principe.

L’arrêt de la Cour de Cassation, chambre commerciale, du 2 février 2016, est représentatif de ces difficultés d’interprétation et est une bonne occasion de revenir sur le problème de l’interprétation des textes fiscaux et de la sécurité juridique à laquelle nous avons droit en tant que contribuable.

Dans cette affaire M. X… avait souscrit au capital d’une société Marie M.. et déduit une fraction du montant des versements effectués de la base de son imposition au titre de l’ISF (art. 885-O V bis CGI).

L’administration fiscale, aux motifs que cette société avait cessé son activité au bout de 2 années, avait remis en cause les déductions faites et mis en recouvrement les impôts et pénalités correspondants.

A la lecture de l’article 885-O V bis CGI, applicable à l’époque des faits, on pouvait lire :

  • qu’au titre du point b) et pour être éligible au bénéfice de la réduction d’impôt, la société dans laquelle le contribuable a souscrit doit « exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole, ou libérale ... »
  • qu’au titre du II-1 « Le bénéfice de l’avantage fiscal prévu au 1 est subordonné à la conservation par le redevable des titres reçus en contrepartie de sa souscription au capital de la société jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription  ».

Interprétant ce texte, le Vérificateur comme la Cour d’Appel, pour rejeter la demande du contribuable, avaient retenu que la condition de conservation des titres pendant une durée de cinq ans … doit être comprise comme celle de titres d’une société exerçant une activité, excluant celle de titres d’une société n’ayant plus d’activité …

Fort heureusement, et dans ce cas d’espèce, la Cour de Cassation a cassé et annulé cet arrêt au motif que la Cour d’Appel « a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas et a donc violé le texte susvisé ».

Mais combien d’années pour le contribuable et quelles dépenses aura-t-il dû engager pour obtenir une juste application de la loi ?

La Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) a publié au BOFiP différentes dispositions qui pourraient être de nature à limiter les difficultés telles que celles rencontrées par ce contribuable dans l’affaire ci-dessus :

Il est publié :

  • Que les lois étant d’ordre public, elles doivent être interprétées de manière restrictive sans pouvoir être étendues par similitude de motifs à des situations qu’elles n’ont pas expressément visées.
  • Qu’il n’est pas davantage possible d’introduire dans les lois fiscales, lorsque leur sens est clair et précis, des distinctions que la loi n’a pas faites ou sous prétexte d’interprétation, d’en restreindre arbitrairement la portée par l’adjonction d’exigences qu’elle ne comporte pas.

L’affaire ci-dessus nous montre bien qu’il n’est pas tiré toutes les conséquences de ces dispositions.

Soit que le vérificateur n’en mesure pas toute la portée, soit que le juge en fasse une mauvaise application.

Mais surtout, c’est à la rédaction et la complexité des textes fiscaux promulgués depuis de nombreuses années que l’on doit la multitude de litiges entre les contribuables et l’administration fiscale.

Cette situation est naturellement au détriment de la sécurité juridique et financière du contribuable qui est légitimement en droit d’exiger que la rédaction des lois fiscales lui permette d’en comprendre raisonnablement le sens.

Tel n’est évidemment pas le cas et la lecture du Code général des impôts nous révèle l’ampleur de la tâche qu’il faudrait accomplir pour réconcilier le contribuable avec la législation qui lui est applicable et l’administration qui le contrôle.

Dans le contexte actuel de morosité et de désenchantement c’est certainement une nécessité impérieuse.

Franz CABRIERES

Animateur du site des Experts de l’entreprise