[Tribune] : les Marchés publics sont-ils vraiment pipés ?

Si les « affaires » nous montrent que certains marchés publics sont pipés, il ne faut pas généraliser… Car avant d’accuser les acheteurs publics de favoritisme et de corruption, les candidats qui répondent aux appels d’offres doivent mieux comprendre le fonctionnement des marchés publics et savoir pourquoi 9 dossiers sur 10 ne répondent pas parfaitement au cahier des charges !

Gladys Personnaz, gérante de GBS Appel d’offres, tord le cou aux idées reçues et nous propose une autre vision des relations entre les TPE-PME et les marchés publics.

La notion de « mieux-disant » : définition.

C’est une notion souvent mal comprise des candidats aux appels d’offres des marchés publics. En effet, si l’offre la moins-disante est la moins chère, le prix ne représente qu’un seul critère dans la notation finale. Or, l’offre la « mieux-disante » est l’offre qui totalise le plus de points sur l’ensemble des critères de pondération des offres.

La pluralité des critères, dont certains sont certes subjectifs, font dire aux candidats potentiels : « inutile de se positionner, l’acheteur fait ce qu’il veut ».

Pas du tout ! S’il est vrai que certains critères sont plus subjectifs que d’autres, il n’en reste pas moins que les critères de sélection sont énoncés et prévus avant la consultation.
De plus, les Marchés Publics obéissent à des règles, et chacun a donc capacité à agir pour les faire respecter.

L’égalité de traitement.

C’est un des principes fondamentaux des marchés publics.

Chaque candidat doit bénéficier du même niveau d’information. C’est pourquoi la consultation d’entreprises repose sur un dossier rédigé et mis à disposition en libre accès (Dossier de Consultation des Entreprises).
Les échanges avec l’acheteur sont également écrits. Toute réponse qui serait communiquée oralement à un candidat sans avoir été publiée à l’ensemble mettrait en péril la régularité de la procédure, qui pourrait être contestée.

Répondre aux attentes de l’acheteur public.

90 % des dossiers sont inadéquats car ils ne répondent que partiellement à l’appel d’offre !

Pourquoi ? Car dans bien des cas, l’entreprise candidate a envoyé une réponse :
- standard qu’elle recycle d’appels d’offre en appels d’offre… Or, l’acheteur attend une réponse sur-mesure qui reprend point par point la consultation.
- incomplète : qui ne traite que les points qui intéresse l’entreprise…

Or, une réponse à un appel d’offre doit être précise pour être efficace.

Il faut : investir du temps, analyser le dossier de consultation, répondre de façon précise.

Et quand on sent la magouille ? Il existe des recours !

Par exemple : Un marché aurait été attribué avec une notation faussée, car le critère du prix a été évalué sur le montant TTC alors même que l’un des candidats n’était pas soumis à TVA. Evidemment, avec 20% de moins sur le prix, ce sont des points injustement gagnés !
La levée de ce dysfonctionnement a impliqué le nouveau calcul des points (sur la base du montant HT - égalité de traitement des candidats !) et le nouveau classement a mis en tête… le second, initialement évincé.

Il arrive également que l’acheteur public « tente » de prendre le prestataire le moins cher, même s’il semble anormalement bas :

Par exemple : un entrepreneur ’A’ a chiffré un marché à 28.000 €, en tirant sur ses marges au maximum. Le marché impliquait un nombre d’intervenants défini (et donc commun à tous les candidats). L’entrepreneur ’A’ a répondu en tous points aux besoins formulés par l’acheteur. L’entrepreneur ’A’ a pourtant été notifié de son rejet quelques semaines plus tard. Il a demandé alors des informations complémentaires, et il est alors apparu qu’il avait obtenu un score étonnamment faible de 13/20 au global (prix + valeur technique). Le candidat retenu, pour sa part, avait obtenu un score de 20/20 (prix + valeur technique)… avec un montant de 8.000 € pour le même personnel mis à disposition !
Un rapide calcul aura suffi à prouver que les 8.000 € ne pouvaient pas couvrir les frais de personnel imposé, si ceux-ci étaient rémunérés aux conditions minimum légales… Un simple courrier de contestation a suffi à faire annuler la procédure.

En pratique, les procédures irrégulières ne sont pas légion, et taxer les marchés publics de corruption est bien souvent un réflexe évitant toute remise en question des candidats…

Les entreprises qui décident de jouer le jeu du sur-mesure obtiennent un retour sur investissement : les acheteurs référencent volontiers les candidats qui ont produit des offres fines et pertinentes (car ils ne sont pas si nombreux) et ce, même si elles ne décrochent pas le marché pour cette fois !

Gladys Personnaz,
GBS Appel d’offres.

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.