Les risques, telle que l’action en revendication de la qualité d’associé par l’époux lorsque les parts sociales ont été acquises par des biens communs, ne doivent pas être négligés.
L’engagement amoureux s’affranchit en général de toute réflexion relative à l’organisation patrimoniale. A ne pas y réfléchir, l’époux chef d’entreprise s’expose, au moment du divorce, à des contraintes financières qu’il n’aura pu anticiper.
Si l’entreprise est créée ou acquise avant mariage, point d’inquiétude : elle demeurera un bien propre et ne pourra être l’enjeu d’un partage aux conséquences financières non maîtrisées.
Si tel n’est pas le cas, et en l’absence de contrat de mariage, tous les biens acquis pendant le mariage par les époux sont des biens communs. Ainsi, si l’entreprise a été créée ou acquise pendant le mariage elle doit être partagée au moment du divorce.
Plus précisément, le chef d’entreprise doit régler à son époux la moitié de la valeur de la société. L’addition peut apparaître salée à un moment où on a moins envie de partager… Elle l’est d’autant plus que le conjoint peut revendiquer la qualité d’associé.
Il résulte en effet de l’article 1832-2 du Code civil qui s’applique notamment dans les SCI et les SARL, que lorsque les parts sociales de la société ont été acquises par des biens communs, l’autre époux peut revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts sociales, postérieurement à l’apport ou à l’acquisition.
Il existe une exception pour les sociétés d’exercice libérale ou lorsque les parts sociales sont nécessaires pour l’exercice de la profession de l’époux.
Or ces cas précis et dans les sociétés par actions, dans les conditions précitées, l’époux peut revendiquer la qualité d’associé en cours de vie sociale en le notifiant par lettre recommandée à la société.
Il ressort d’une décision en date du 14 mai 2013 n°12-18.103 que cette revendication peut être faite jusqu’à la décision prononçant le divorce. En effet, la Cour de cassation a précisé que l’article 1832-2 du Code civil prévoit que cette faculté est ouverte jusqu’à la dissolution de la communauté ; dès lors cette revendication peut intervenir jusqu’à ce qu’intervienne le prononcé du divorce ayant autorité de la chose jugée.
Dans ce cas, il convient de se référer aux statuts en matière de procédure d’agrément afin de déterminer si cette revendication confère ou non de facto la qualité d’associé à l’époux revendiquant. Étant précise que lors de la délibération sur l’agrément, l’époux ne participe pas au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.
Si l’agrément est obtenu, l’époux n’aura pas seulement le droit à la moitié de la valeur des parts sociales mais également à l’ensemble des prérogatives de l’associé ; l’enjeu est donc de taille !
Ce point est pourtant très souvent éludé lors de la rédaction des statuts ou lors de la réalisation des prises de participations.
C’est par la conclusion d’un contrat de mariage que le chef d’entreprise pourra éviter un tel risque.
Si le régime de la séparation de biens semble s’imposer ici comme répondant immédiatement à cette exigence, celui de la participation aux acquêts permet également, au moment du divorce, de conserver la propriété des biens professionnels. Il impose néanmoins d’indemniser l’époux non propriétaire de l’enrichissement procuré par le règlement de la créance de participation. La protection des biens professionnels peut, par ce biais, demeurer respectueuse de la communauté de vie au cours du mariage.
Sans hésitation, et pour protéger votre patrimoine professionnel, pensez contrat de mariage !
Pour tous ceux qui ne le feront pas, ou qui ont omis d’y réfléchir en temps opportun, il n’est pas trop tard.
Après deux ans d’union en effet, les époux peuvent modifier leur régime matrimonial dès lors qu’ils agissent dans l’intérêt de la famille et n’éludent pas les droits de leurs créanciers. Anticiper c’est ainsi pérenniser…
Alexandra Six, Avocat en droit des affaires,
Julie Penet, Avocat en droit de la famille,
Cabinet Eloquence Avocats.