L’épidémie actuelle et le confinement quasi-total de la population de notre pays génèrent et vont générer des difficultés croissantes pour nos entreprises et notamment les TPE-PME qui constituent l’essentiel du tissu économique.Retour ligne automatique
Le Tribunal de Commerce, au moyen des différentes procédures existantes, peut alors se révéler être la seule solution pour les dirigeants d’entreprises.
Par Stéphane Friedmann
Le gouvernement, et notamment le Ministre de l’Economie et des Finances, vient de présenter un plan d’accompagnement constitué de report d’échéances fiscales et sociales, de prêts bancaires, de développement du chômage partiel, mais également d’aides aux entreprises dont les contours sont cependant inconnus à ce jour.
S’agissant par exemple du recours à l’activité partielle, il semble que les entreprises vont devoir faire l’avance des rémunérations de leurs salariés, puis se faire rembourser par l’Etat selon des modalités et surtout des délais encore inconnus.
Il est dès lors possible, voire probable, que les différentes mesures d’accompagnement mises en place se révèlent insuffisantes pour certaines entreprises qui devront trouver d’autres solutions, notamment lorsque les difficultés conjoncturelles se révèleront structurelles.
Le Tribunal de Commerce, au moyen des différentes procédures existantes, peut alors se révéler être la seule solution pour les dirigeants d’entreprises.
Celui-ci dispose en effet d’un panel de solutions, tout d’abord préventives lorsque la situation n’est pas trop obérée puis judiciaires dans les autres cas.
I. Les procédures amiables.
I-1 Le mandat ad hoc.
Le but du mandat ad hoc, lorsque l’entreprise n’est pas encore en état de cessation des paiements, c’est-à-dire qu’elle peut toujours faire face à son passif exigible avec son actif disponible, est de rechercher un accord amiable avec les créanciers permettant un échelonnement des paiements.
Le mandat ad hoc est une procédure ouverte à l’initiative du dirigeant de l’entreprise et qui est totalement confidentielle.
La procédure est conduite par un Mandataire ad hoc désigné par le Président du Tribunal de Commerce.
Si l’activité de l’entreprise est civile, c’est alors le Président du Tribunal Judiciaire qui peut désigner le mandataire ad hoc.
En règle générale, le Mandataire ad hoc est choisi parmi les Administrateurs Judiciaires, même si cela n’est pas une obligation.
Le Mandataire ad hoc, entre autres missions possibles, a la capacité d’engager des discussions avec les associés de l’entreprise, ses partenaires, banquiers, fournisseurs ou créanciers permettant d’aboutir à une solution négociée avec les partenaires de l’entreprise.
Ce procédé a pour intérêt d’aider le dirigeant de l’entreprise à résoudre ses difficultés au moyen d’un mécanisme souple et confidentiel adapté à chaque situation.
Le mandat ad hoc est notamment adapté lorsque les difficultés de l’entreprise ne sont pas seulement financières.
I-2 La procédure de conciliation.
La procédure de conciliation est plus spécifiquement adaptée aux entreprises en difficulté qui ne sont pas encore en état de cessation des paiements ou lorsqu’elles y sont depuis moins de 45 jours, mais que cette procédure peut permettre d’y mettre fin.
Il s’agit donc d’une procédure intermédiaire entre le mandat ad hoc et la procédure de redressement judiciaire.
Là encore, c’est le chef d’entreprise qui décide de saisir le Président du Tribunal de Commerce ou du Tribunal Judiciaire afin qu’il désigne un Conciliateur.
La mission de celui-ci qui sera le plus souvent un administrateur judiciaire, sera de rechercher la conclusion d’un accord avec les créanciers.
La mission du Conciliateur est au maximum de 5 mois et pendant cette période, celui-ci peut demander au Président du Tribunal d’ordonner la suspension provisoire des poursuites des créanciers à l’égard de la société débitrice.
Le Conciliateur peut également avoir pour mission d’organiser une cession, partielle ou totale de l’entreprise.
Il faut enfin préciser qu’il n’est pas obligatoire que l’accord soit conclu avec l’ensemble des créanciers, il peut tout à fait être limité à un accord pris avec les principaux créanciers de l’entreprise.
En ce cas, l’accord lie bien entendu le créancier qui l’a accepté et pour les autres, l’entreprise doit alors être en capacité de faire face au règlement des dettes résiduelles.
Il faut enfin préciser, pour terminer, que les administrations publiques et sociales ont tout à fait la possibilité de rentrer dans ce processus en accordant à l’entreprise des délais de paiement, mais également des remises.
II. Les procédures judiciaires.
Il existe, là encore, une graduation des procédures.
II-1 La procédure de sauvegarde.
La procédure de sauvegarde, comme les procédures de redressement et de liquidation judiciaire, ne sont pas des procédures confidentielles, mais des procédures judiciaires, la mention de la procédure apparaît donc sur le Kbis de l’entreprise.
La procédure de sauvegarde est destinée aux entreprises qui ne sont pas en état de cessation des paiements, mais qui connaissent des difficultés financières insurmontables de nature à les conduire à la cessation des paiements.
L’ouverture de cette procédure permet à l’entreprise de bénéficier de l’arrêt des poursuites individuelles des créanciers qui ne peuvent plus alors engager de procédures d’exécution contre leur débiteur et qui doivent se soumettre à la vérification de leurs créances.
La procédure est conduite par un Administrateur Judiciaire qui a pour objectif de rechercher les possibilités d’étaler la dette et/ou de céder partiellement l’entreprise.
A l’issue de la procédure, le plan qui doit tendre à la sauvegarde de l’entreprise, au maintien de l’activité et de l’emploi ainsi qu’à l’apurement du passif, est arrêté par le Tribunal.
Celui-ci a donc le pouvoir d’imposer aux créanciers l’étalement de leurs créances sur une durée qui ne peut excéder 10 ans.
II-2 La procédure de redressement judiciaire.
Cette procédure peut être ouverte, comme les précédentes, à l’initiative du dirigeant de l’entreprise mais également sur assignation d’un créancier qui constate que sa créance n’est pas réglée et que les mesures d’exécution ont été inopérantes.
Celle-ci, comme la procédure de liquidation judiciaire, est réservée aux entreprises en état de cessation des paiements.
Comme dans le cadre de la procédure de sauvegarde, si le Tribunal constate que le redressement de l’entreprise n’est pas manifestement impossible, il peut adopter un plan de continuation permettant l’apurement du passif dans les mêmes conditions que pour la procédure de sauvegarde.
L’ouverture de la procédure de redressement judiciaire permet la prise en charge par les AGS du paiement des salaires non payés avant l’ouverture de la procédure collective.
Cette procédure permet donc, sous réserve du plafonnement prévu, le paiement rapide des salariés, ce qui donne également à l’entreprise la possibilité de reconstituer une trésorerie qui lui sera nécessaire afin de pouvoir fonctionner pendant la période d’observation fixée par le Tribunal.
Bien entendu, il ne s’agit que d’une avance de l’AGS qui devra être remboursée après l’adoption du plan de continuation.
II-3 La procédure de liquidation judiciaire.
La procédure de liquidation judiciaire est réservée aux entreprises dont le redressement est manifestement impossible.
Le processus est le même que pour la procédure de redressement judiciaire et la liquidation peut être prononcée très rapidement, et notamment si le chef d’entreprise le souhaite, dès l’ouverture de la procédure.
Elle peut également être prononcée à tout moment pendant la période d’observation s’il s’avère que le redressement est impossible.
Cette procédure permet l’effacement total des dettes de l’entreprise.
La pratique permet de constater qu’en cas de difficultés financières les chefs d’entreprise tardent trop fréquemment à consulter leur avocat et expert-comptable sur l’opportunité de s’engager dans l’un ou l’autre de ces processus,
Ces retards, souvent dus à la méconnaissance de l’existence ou des caractéristiques de ces procédures, contribuent de manière importante à obérer les chances de succès de celles-ci, la situation de l’entreprise s’en trouvant d’autant plus fragilisée.
Stéphane Friedmann
Avocat au Barreau de Paris.