L’alinéa 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 affirme que « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ».
Le régime de la clause de non-concurrence s’attache à trouver l’équilibre entre la liberté du travail du salarié à exercer l’activité professionnelle de son choix et la protection des intérêts légitimes d’une entreprise au regard de l’absence de concurrence déloyale.
I. L’objet de clause de non concurrence : le respect du principe de proportionnalité.
La clause non-concurrence a pour unique visée d’interdire, après la rupture du contrat de travail, d’exercer une activité professionnelle concurrente de celle de son employeur.
Elle peut s’appliquer à tous les cas de rupture même dans le cadre d’une période d’essai.
Il convient d’être vigilant quant aux clauses dites de « clientèle », de « non- démarchage », que la Cour de Cassation assimile à une clause de non-concurrence ainsi qu’à son régime [1].
II. Rappel des conditions de validité.
Au fil des arrêts rendus par la jurisprudence, la clause, pour être licite, doit cumulativement :
• être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise au regard de l’emploi et des fonctions du salarié,
• être limité dans le temps et dans l’espace en tenant compte des spécificités de l’emploi du salarié,
• comporter l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, celle-ci ne devant pas être d’un montant dérisoire (ce qui équivaut à une absence de contrepartie), la contrepartie financière doit être réglée périodiquement ou en une seule fois dès la rupture du contrat de travail.
La convention collective applicable peut également contenir des dispositions prévoyant la limitation dans le temps et dans l’espace, le montant minimum de la contrepartie financière ainsi que les conditions de la renonciation à l’application de la clause lors de la rupture du contrat travail.
III. Possibilité de renonciation par l’employeur.
La clause non-concurrence envisage souvent un délai de renonciation permettant à l’employeur de libérer le salarié et de se dispenser du versement de la contrepartie, dont le point de départ est fixé à la date de présentation de la notification de la rupture du contrat travail [2] et ce, aux conditions suivantes :
• cette possibilité doit être expressément prévue par le contrat travail ou la convention collective applicable l’entreprise [3] ;
• le respect de la convention collective applicable.
En cours de contrat, l’employeur peut renoncer à l’application de la clause si cela est expressément prévu, sinon la renonciation ne peut intervenir qu’à compter de la rupture du contrat travail, pour autant que celle-ci soit prévue [4]
Spécificités du point de départ du délai de renonciation :
• En cas de démission : date de réception par l’employeur de la lettre de démission [5].
• En cas de rupture conventionnelle : date de rupture fixée par les parties dans la convention de rupture [6] sauf si la convention collective prévoit des dispositions spécifiques en matière de clause de non-concurrence dans le cadre d’une rupture conventionnelle [7].
• En cas d’adhésion à un contrat de sécurisation professionnel (CSP) : au plus tard à la date du départ effectif du salarié [8].
• En cas de résiliation judiciaire : à compter du jugement et non de la date de notification du jugement.
• En cas de prise d’acte : date de la réception de la notification de la prise d’acte et non à la date d’effet de la prise d’acte.
• En cas de rupture de contrat avec dispense de préavis : date du départ effectif de l’entreprise [9] nonobstant stipulations ou dispositions contraires.
IV. Sanction de l’illicité de la clause de non-concurrrence.
En l’absence de respect des conditions de validité, la clause de non-concurrence est dite nulle et le salarié est fondé à saisir le Conseil de Prud’hommes, en sa formation de référé, pour faire constater ce trouble manifestement illicite.
La nullité est dite relative puisque seul le salarié peut s’en prévaloir.
Le salarié est alors libéré de son obligation de non-concurrence et ne percevra pas la contrepartie financière.
Le salarié qui respecte une clause de non-concurrence illicite est fondé à réclamer le paiement de la contrepartie financière [10].
Le salarié faisant constater l’illicéité de la clause était fondé, auparavant, à réclamer des dommages et intérêts pour le préjudice « nécessairement subi. »
Depuis un arrêt du 25 mai 2016, opérant un revirement, la Cour de Cassation met fin au préjudice dit automatique [11] et a jugé que le défaut d’une contrepartie financière n’entraîne pas d’indemnisation en l’absence de preuve d’un préjudice.
V. Pouvoir modérateur du juge en cas de clause dite "disproportionnée".
Les juges peuvent restreindre l’application dans le temps et/ou dans l’espace afin que le salarié puisse exercer son activité professionnelle de manière conforme à sa formation et à son expérience professionnelle.
Ce pouvoir modérateur ne peut être exercé que si les conditions de validité de la clause sont respectées faute de quoi, cette dernière est nulle.
Il en est ainsi lorsque la contrepartie financière est d’un montant dérisoire, le juge n’ayant pas le pouvoir d’en augmenter le montant puisque la clause est nulle [12].
Sophie Chatagnon, Avocat associé.
Article initialement publié dans le Journal du Management Juridique n°62.