D’après la définition de l’arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière, le mécénat est « un soutien matériel ou financier apporté sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un caractère d’intérêt général ».
1. Petit historique du mécénat.
Le mécénat n’est pas une pratique récente, ce n’est pas rien de le dire. En effet, le mot « mécénat » trouve son origine dans l’Antiquité. Il provient du nom de Mécène, qui fut l’un des premiers promoteurs du monde des arts dans la Rome antique. Amoureux des arts et des lettres, il offrait des sommes d’argent aux poètes célèbres de l’époque tels que Virgile ou Horace et en contrepartie, ils lui rendaient hommage dans leurs poèmes. Un bon moyen pour avoir de la publicité me direz-vous.
Le mécénat se poursuite au Moyen-Age puis à la Renaissance que l’on qualifie souvent « d’âge d’or du mécénat ».
Les Médicis, en Italie, sont des mécènes puissants. Par exemple, Marie de Médicis a été le mécène du peintre Rubens.
Au XIXème siècle, est créée la première souscription publique qui permet à des milliers de personnes de participer au financement de la Statue de la Liberté. Et le mécénat n’a cessé depuis de se développer en Occident et en France. Les entreprises françaises ont donné près de 3 milliards d’euros en 2017, selon une étude de Recherche et Solidarité [1].
2. Une notion juridique strictement définie.
Le mécénat peut prendre plusieurs formes. Dans la plupart des cas, il s’agit d’un apport en numéraire. Il peut se faire également sous forme de dons mobiliers ou immobiliers, de disposition de moyens matériels, humains (salariés qui donnent de leur temps) ou technologiques…
Selon l’article 238 du CGI, est considéré comme du mécénat tout don aux organismes suivants :
• L’État et ses établissements publics ;
• Organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises (…) ;
• Fondation ou association reconnue d’utilité publique ou d’intérêt général (à but non lucratif, ne profitant pas à un cercle restreint de personnes) ;
• Fonds de dotation ;
• Organisme agréé sans but lucratif dont l’objet exclusif est de verser des aides financières aux PME (investissement, accompagnement, aide à la création ou la reprise d’entreprise, financement du besoin en fonds de roulement, prêt d’honneur sans garantie et sans intérêts, etc.) ;
• Organisme du spectacle vivant pour des activités de diffusion d’œuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque, ni pornographiques ni violentes ;
• Société ayant pour activité principale l’organisation d’expositions d’art contemporain ;
• Établissement d’enseignement supérieur public ou privé agréé ;
• Les projets de thèse.
L’article 238 bis du CGI précise que l’entreprise mécène peut associer son nom au don effectué sans pour autant faire de la publicité pour son propre compte sous peine de voir le mécénat requalifié en parrainage.
C’est un dosage très subtil que l’entreprise doit faire lorsqu’elle veut communiquer et se faire remarquer. Pour illustrer cette idée, prenons l’exemple d’une entreprise qui fait régulièrement des dons et dont le dernier a été fait en faveur de l’acquisition d’une oeuvre dans un musée. La présence du nom de cette entreprise mécène au sein du musée peut constituer une opération de mécénat puisqu’elle a fait un apport en numéraire pour l’acquisition d’une oeuvre d’art précise. Cependant, son nom ne doit pas apparaître à différents endroits du musée sans rapport direct avec l’oeuvre. Sinon, il s’agit d’une opération de communication et l’intérêt général disparaît derrière l’intérêt privé commercial. L’entreprise effectue alors une opération de parrainage qui ne donne pas droit aux mêmes avantages juridiques et fiscaux.
Pour qu’un organisme soit reconnu d’intérêt général, il faut qu’il réponde à trois critères cumulatifs :
une gestion désintéressée, à titre bénévole par des personnes n’ayant pas de lien direct avec les résultats de l’entreprise ;
pas un cercle de personnes concernées restreint [2] ;
pas d’opérations à but lucratif [3] ;
Un organisme dont l’activité principale est non lucrative peut tout de même réaliser des opérations de nature lucrative. « Si elles ont fait l’objet d’une sectorisation dans les conditions prévues au bulletin officiel des impôts 4H-5-06, ne remettent pas en cause la qualification d’intérêt général d’une association ou d’une fondation. Pour bénéficier de l’avantage fiscal, l’activité non lucrative doit demeurer significativement prépondérante et les versements doivent être affectés directement et exclusivement au secteur non lucratif de l’organisme bénéficiaire, ce qui suppose une comptabilité distincte pour les deux secteurs. » [4]
Parfois il peut être difficile d’être sûr pour un organisme d’être d’intérêt général et de pouvoir délivrer des reçus fiscaux aux donateurs afin qu’ils puissent justifier des réductions d’impôts.
La loi du 1er août 2003 permet à ces organismes qui pensent relever de l’un des cas de l’article précité de s’en assurer par le biais de la procédure fiscale du rescrit.
La direction fiscale départementale où se trouve le siège social de la personne morale est alors saisi par celle-ci et se prononce sur son appartenance ou non au statut d’organisme d’intérêt général, dans les six mois à partir de la date de réception de la demande complète.
L’article 50 de la loi de finances rectificative de 2008 prévoit un recours dans un délai de deux mois pour l’organisme si l’administration a refusé de reconnaître l’intérêt général.
Les organismes faisant appel aux dons ont l’obligation de tenir un compte d’emploi des ressources annuel à la disposition des donateurs présentant l’utilisation des dons.
A partir d’un montant annuel de dons dont le seuil est fixé par décret, les organismes doivent établir des comptes annuels comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe [5].
Ces documents sont publiés ensuite sur le site Internet des JO. Les dons sont reportés dans une rubrique spécifique en comptabilité. Le commissaire aux comptes peut être amené à vérifier cette rubrique.
3. Un cadre fiscal incitateur.
La loi du n° 87-571 du 23 juillet 1987 est la première loi à mettre en avant le développement du mécénat et les avantages fiscaux qui en découlent.
Quant à la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations dite « Loi Aillagon », elle permet notamment aux entreprises et aux particuliers de déduire respectivement 60 % et 66 % de leurs dépenses de mécénat de leurs impôts, sous certaines conditions.
Seuls les contribuables domiciliés fiscalement en France [6] peuvent bénéficier de la réduction d’impôts générés par leur don.
Par contre, les dons peuvent se faire à destination des organismes d’intérêt général exerçant une activité en France mais dont le siège est situé dans un Etat de l’Espace Economique Européen.
Normalement, le bénéficiaire du don doit délivrer au donateur un reçu fiscal n°11580*03 à joindre à la déclaration de revenus ou de résultats.
Les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés peuvent opter pour le mécénat. L’article 13 de cette loi oblige d’ailleurs l’employeur à informer les salariés de l’entreprise des actions en matière de mécénat. Les micro entrepreneurs et les entreprises non soumises à l’IS en vertu d’une disposition particulière ne peuvent pas bénéficier de ce dispositif fiscal.
Quant aux professions libérales et entreprises individuelles, elles peuvent choisir entre la réduction d’impôt à titre personnel comme tout contribuable et celle à titre professionnel.
Si elles optent annuellement pour le don personnel, elles ont droit à 66% de réduction d’impôt sur le montant du don dans la limite de 20% du revenu imposable. S’il s’agit d’un don professionnel, elles bénéficient d’une réduction de 60% dans la limite de 0.5% du chiffre d’affaires. Le chiffre d’affaires hors taxe à prendre en compte est celui réalisé par l’entreprise pour l’exercice où les versements ont été effectués.
En comptabilité, le montant des dons est une charge d’exploitation. Le montant doit être indiqué sur la déclaration fiscale 2065. Pour les professions libérales et les entreprises individuelles, il s’agit de la déclaration de revenus complémentaire (2042-C).
Il peut arriver que le montant résultant des réductions d’impôt soit supérieur à l’IS. Dans ce cas, le solde peut se reporter sur les cinq années « suivant celle au titre de laquelle la réduction d’impôts est constatée » [7]. Il en est de même lorsque le montant des versements après réduction de 60% dépassent le plafond des 0.5 du chiffre d’affaires.
Il existe également des dispositifs fiscaux spécifiques non présentés dans cet article : la déduction sur la base imposable de l’acquisition (prix total) des œuvres originales d’artistes vivants pour les exposer au grand public et la réduction d’impôt de 90% des dons effectués en faveur de l’achat de « trésors nationaux » par l’Etat (articles 238 bis AB et O A du CGI).
Manon Vialle, Juriste.