Interview d’Héloïse Aubret, Avocate et fondatrice de Greencode, sur la question de l’économie circulaire.
Laurine Tavitian : Quel est le sens de la révision en cours du paquet européen de l’économie circulaire comprenant 4 directives sur les déchets et le recyclage ?
Héloïse Aubret : Le Paquet européen de l’économie circulaire a été présenté en décembre 2015 par la Commission européenne afin de modifier quatre directives sur les déchets.
L’UE entend booster l’économie circulaire en fixant des objectifs de recyclage contraignants plus ambitieux, la France ayant déjà adopté des objectifs similaires (70% de recyclage des déchets municipaux, et 80% des déchets d’emballages d’ici à 2030), des objectifs de réemploi, ainsi qu’en favorisant l’écoconception des produits. La mise en décharge de l’ensemble des déchets sera plafonnée d’ici 2030 et la définition des déchets simplifiée.
S’il est important d’imposer des contraintes réglementaires fortes au sein du marché commun, cela ne saurait être suffisant : tous les acteurs doivent être impliqués. De nombreuses initiatives privées innovantes proposent des solutions en faveur de l’économie circulaire. Notamment, le recyclage de matériaux non encore généralisé à ce jour doit être encouragé, comme la fibre de carbone dont le traitement est pourtant un enjeu majeur. C’est l’ambition de Recycling Carbon, exemple de projets vertueux qui doivent être soutenus.
L’économie circulaire n’est-elle qu’une gestion vertueuse des déchets ?
L’économie circulaire ne doit pas être réduite à la gestion responsable des déchets. C’est une économie qui doit préserver nos ressources afin que nous arrêtions de vivre à crédit. En 2017 le jour du dépassement de la terre est survenu le 2 août, ce qui signifie que nous avons consommé en sept mois toutes les ressources naturelles que la terre est capable de produire en une année. Notre mode de vie et de consommation impacte directement le climat, ce qui a des répercussions également sur nos ressources.
En d’autres termes, la gestion vertueuse des déchets est indispensable mais pas suffisante. L’économie circulaire doit aller bien au-delà, en prenant en compte tous les impacts de notre économie sur notre environnement, comme l’impact CO2 dans la conception des produits.
Comment le droit peut-il prendre en compte cette gestion globale ?
L’environnement est un ensemble indivisible. Dès lors, sa préservation passe concomitamment par la réduction des rejets de CO2 dans l’atmosphère et par le recyclage des déchets. Or, l’utilisation de matières premières recyclées permet d’éviter 22,5 millions de tonnes d’émissions de CO2 par rapport à l’utilisation de matières premières, selon une étude réalisée par FEDEREC en partenariat avec l’ADEME, soit 5% des émissions françaises totales.
Il est donc intéressant de mettre en perspective le paquet économie circulaire et la directive EU ETS 2003/87/CE du 13 octobre 2003 afin de déterminer comment ils pourraient interagir.
En effet, les modèles économiques vertueux permettant d’économiser du CO2 ne pourraient-ils pas être émetteurs de crédits carbone ? C’est toute la question de l’appréhension par le droit des externalités environnementales. Pour l’instant on a plutôt tendance à faire peser des charges supplémentaires sur les « pollueurs » en vertu du principe « pollueur-payeur », mais l’idée de récompenser les opérateurs vertueux est de plus en plus répandue chez les économistes. Il reste donc à trouver les outils juridiques appropriés.
Propos recueillis par Laurine Tavitian.
Interview initialement publiée dans le Journal du Management Juridique n°61.