CA Paris, 10 octobre 2018, RG n°15/24033
Même si une transaction prévoit une renonciation aux dommages futurs, cette renonciation ne s’applique qu’au différend qui a donné lieu à la conclusion de la transaction. Les dommages postérieurs causés par un fait non-connu et non-anticipé au jour de la transaction ne sont donc pas concernés et peuvent donner lieu à poursuites judiciaires.
Plusieurs sociétés ont connu des différends dans le cadre de l’exécution d’un contrat de conception, de réalisation et de mise en service d’une unité de traitement de déchets comprenant deux lignes d’incinération. En 2003, une fuite est intervenue sur la ligne d’incinération n°1. Un accord est intervenu en 2004 entre les sociétés.
Cet accord visait une renonciation à se plaindre de dommages futurs : « exclusion de garantie pour d’autres dommages consécutifs directs et indirects ». Toutefois, en 2005 et 2006, des fuites sont intervenues sur la ligne d’incinération n°2, entraînant l’arrêt de l’exploitation pendant plusieurs mois. C’est dans ce contexte que la société ayant subi les pertes d’exploitation a demandé la réparation de ses préjudices. Les parties aux litiges s’opposaient notamment sur l’objet de l’accord de 2004 : couvrait-il ou non les fuites survenues en 2005 et 2006 ?
Autrement dit, les fuites de 2005 et 2006 constituaient-elles des dommages consécutifs directs ou indirects alors qu’elles étaient liées à l’autre ligne d’incinération ? Dans l’affirmative, cet accord – présentant les qualités d’une transaction – empêchait la société demanderesse d’agir en justice.
Pour la Cour, les termes de l’accord révèlent que les parties ont convenu de régler uniquement le litige né entre elles à raison de la survenance des fuites sur la ligne d’incinération n°1 puisque (i) seules ces fuites étaient connues à ce moment et que (ii) la société subissant alors un préjudice faisait valoir lors de l’accord de 2004 des pertes de production consécutives à ces fuites. La Cour semble donc considérer que ce sont ces pertes de production non-encore totalement déterminées qui avaient donné lieu aux termes « autres dommages consécutifs directs et indirects ». Par conséquent, la transaction ne fait pas obstacle à l’introduction de l’instance portant sur l’indemnisation des dommages causés par les fuites sur la ligne d’incinération n°2.
Si cette décision ne semble pas surprenante, cet arrêt a le mérite de rappeler aux rédacteurs des transactions qu’il faut porter un intérêt particulier à la façon dont est délimité l’objet de la transaction.
A rapprocher : Nouvel article 2049 du code civil
Article de Alissia Zanette, avocate au sein du département Distribution Concurrence Consommation du cabinet SIMON ASSOCIÉS