Licences intragroupes, avez-vous anticipé les risques fiscaux ?

Organiser un système de licence intra-groupe encadrant les droits de propriété intellectuelle peut souvent être une opération 
intéressante mais une certaine prudence est de mise pour limiter les risques fiscaux.

Organiser une structure juridique pour mettre en place des licences intra-groupe permettant le plus souvent à une filiale d’exploiter les droits de propriété intellectuelle détenus sa société mère peut souvent s’avérer être une opération intéressante en terme de gestion et/ou de finances.
On voit des têtes de réseau s’assurer la propriété des droits (pour en conserver la valeur patrimoniale) et simplement accorder à ses filiales exploitantes des licences d’utilisation à titre gracieux (ou pour un euro symbolique) en vue de leur permettre d’exploiter les marques nécessaires à leur activité, sans leur imputer la charge de redevances, en général pour préserver leur trésorerie et ne pas grever leurs bénéfices.

Dans d’autres cas, une société holding va parfois même être créée spécifiquement pour être détentrice de la PI et en assurer la gestion. Une telle organisation permet à la fois d’encadrer et d’harmoniser la stratégie juridique de marques exploitées par différentes entités. Elle génère aussi des rentrées d’argent par le biais de royalties justifiées le plus souvent par la mise en place, l’administration, le suivi, la veille, la défense des droits et les garanties apportées par le donneur de licence.

Pourtant l’organisation de telles structures juridiques doit être habilement pensée en amont pour éviter qu’une opération espérée avantageuse ne se retourne tant contre la société mère que contre ses licenciées.
Le Conseil d’Etat est relativement avare de décisions en la matière mais de grandes tendances ont malgré tout été dégagées au fil des années et permettent de mettre en avant trois risques fiscaux majeurs qu’il est essentiel d’appréhender pour prévoir en amont le montage adéquat et limiter les risques dans un contexte où l’administration fiscale cherche particulièrement à remplir les caisses.

Quel process adopter pour choisir un système de licence gratuite ?

Par principe, une licence de marque nécessite une contrepartie financière en raison de l’avantage accordé en autorisant l’exploitation d’une marque qui bénéficie d’un monopole.

Même dans le cadre de licences intragroupes, les parties étant considérées par l’administration fiscale comme autonomes et indépendantes, il leur faudra être en mesure de justifier de la gratuité pour éviter que le donneur de licence puisse se voir retoqué pour acte anormal de gestion.

Il en est de même si le montant des royalties versé est exagérément bas : la holding pourra faire l’objet d’un redressement.

En effet, dans ce cas, l’administration fiscale n’hésitera pas à évaluer (suivant ses critères propres) le montant des redevances qui auraient dues être raisonnablement perçues par la société-mère. Elle les intégrera a posteriori dans l’assiette de calcul de son Impôt sur les Sociétés. Inutile de dire qu’elle ne considèrera pas ces mêmes redevances « fantômes » comme des charges déductibles pour la filiale en vue de lui reverser le trop perçu d’imposition.

Le Conseil d’Etat par un arrêt rendu le 26 septembre 2011 a donné quelques indications pour éviter cette situation, le donneur de licence gratuite devant démontrer qu’en accordant cet avantage concurrentiel à une société tierce, l’entreprise a agi dans son propre intérêt et a donc assuré une gestion commerciale normale.
Encore faut-il cadrer ce qu’est l’intérêt de l’entreprise (ce n’est par exemple ni l’intérêt du groupe, ni l’espoir de meilleurs dividendes, ni la valorisation potentielle des actifs …) et anticiper les moyens qui permettront de répondre à l’administration fiscale pour justifier ce choix tout en s’assurant de pouvoir le prouver le moment venu.

Et sinon, par quelle méthode fixer le montant des royalties ?

S’il ne doit pas être trop bas, le montant des royalties ne doit pas non plus être exagérément élevé.

En effet, habituellement, les redevances versées dans le cadre d’un contrat de licence sont inscrites par le licencié en charges d’exploitation au titre de ses résultats imposables et déductibles..

Il faut cependant qu’existe une contrepartie effective au montant des redevances et si celles-ci ne sont pas en corrélation avec l’activité réalisée par la marque dans son secteur de marché, l’administration fiscale pourra encore ici considérer que la licence constitue un acte anormal de gestion.

En conséquence, la déduction des redevances sera remise en cause et le licencié devra réintégrer ces charges dans son bénéfice imposable. C’est ici une double peine puisque la société mère aura de son côté déjà payé son impôt sur le montant maximisé de ces redevances. L’impôt sera ici perçu deux fois…

La manipulation des taux de royalties et de l’assiette de calcul est donc un exercice sensible et délicat qui doit être pris en main par des spécialistes de la valorisation de la Propriété Intellectuelle.

Ensuite, comment établir le contrat de licence ?

Du point de vue fiscal, les termes du contrat de licence ont également un impact qu’il faut être en mesure d’intégrer pour ne pas faire d’erreur irrémédiable entrainant un redressement.

Le risque est en effet, en fonction de ce qui est « simplement » écrit, que l’administration fiscale puisse décider d’une requalification du contrat de licence comme une cession et donc une immobilisation.

Les royalties ne sont alors pas considérées comme des charges pour le licencié mais réintégrées dans l’assiette de calcul sur laquelle il faudra payer l’impôt.
Il faut donc anticiper dans les dispositions du contrat de licence et prévoir d’éviter de remplir chacun des 3 critères cumulatifs établis par l’administration fiscale comme constitutifs d’une immobilisation (source régulière de profit, pérennité, 
cessibilité).

La rédaction habile notamment des clauses de durée, d’exclusivité et de résiliation est donc un point majeur.

Compte tenu des enjeux, et sachant que d’autres questions se posent encore dans le cadre de structures multinationales, il est donc particulièrement avisé, voir malin, de faire analyser le montage juridique des licences, de la stratégie initiale jusqu’à la rédaction, par des Conseils en PI experts de ces questions.

Par Charlotte Urman, Conseil en Propriété Industrielle,
Responsable du Département LicensInlex.
Directrice du bureau d’Inlex IP Expertise Côte d’Azur

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