Dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut être amené à modifier unilatéralement le lieu de travail du salarié.
Par Jérémy Duclos
Le droit du travail considère qu’en dehors du même secteur géographique, et hors la présence d’une clause de mobilité, cette modification du lieu de travail emporte modification du contrat de travail, nécessitant l’accord exprès du salarié.
La question est donc de définir précisément ce que recouvre la notion de secteur géographique en droit du travail.
Dans un arrêt rendu le 20 février 2019 (17-24.094), la chambre sociale de la Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir considéré que la distance de 80 kilomètres séparant le nouveau lieu de travail du précédant, situé en dehors du même bassin d’emploi, caractérisait un changement de secteur géographique.
Dans cette affaire, schématiquement, le salarié a fait l’objet d’un licenciement pour avoir refusé de rejoindre son nouveau lieu de travail. Il a contesté la mesure devant la juridiction prud’homale, puis devant la juridiction du second degré, saisie par son adversaire. Les juges du fond ont donné raison au salarié.
L’employeur s’est pourvu en cassation en invoquant notamment le fait que l’ancien et le nouveau lieu de travail se situaient dans deux départements limitrophes et que la distance les séparant pouvait être parcourue en plus ou moins une heure seulement, de sorte qu’ils se trouvaient dans le même secteur géographique.
La Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel d’avoir jugé que le nouveau lieu de travail, distant de 80 km du précédant et n’appartenant pas au même bassin d’emploi, ne se situait pas dans le même secteur géographique.
Dès lors qu’il s’agissait d’une modification du contrat de travail, et non d’un simple changement des conditions de travail, l’employeur, qui a dépassé le cadre de son pouvoir de direction, aurait dû recueillir l’accord du salarié préalablement à la mise en œuvre de cette mesure.
À défaut, le licenciement prononcé à l’encontre du salarié qui a refusé le changement de son lieu de travail est sans cause réelle et sérieuse [1].
Le changement du lieu de travail doit être apprécié de manière objective [2]. Les données objectives relatives à la distance kilométrique et au bassin d’emploi doivent donc être privilégiées dans l’appréciation souveraine des juges du fond sur cette question.
Pour autant, cette appréciation objective n’a jamais permis, à elle-seule, de poser une définition claire et précise de la notion de secteur géographique en droit du travail, comme cadre juridique au pouvoir de direction de l’employeur sur la mobilité du salarié.
Jérémy Duclos, Avocat.