Négociation et contract management : complexité, inter-culturalité et nécessaire collaboration.

A l’occasion de la conférence-formation organisée par l’AFCM (Association Française du Contract Management) le 17 Octobre 2016, en collaboration avec l’Ecole Européenne de Contract Management (e2cm) et le Cabinet d’avocats Orrick Rambeau Martel, plus d’une centaine de professionnels de la gestion de contrat s’est réunie autour de spécialistes venus partager leur expertise relative à la négociation dans la pratique du Contract Management.

Ce nouveau rendez-vous du Contract Management fut l’occasion d’aborder cette discipline centrale de la profession, sous les angles de la complexité des cycles contractuels et de l’environnement interculturel autour d’une première table ronde pour ensuite mieux replacer, au cours de deux conférences consécutives, notre matière vedette au cœur du métier de Contract Manager. Le périple s’est achevé sur la scène d’un théâtre improvisé où la tromperie des négociateurs n’avait définitivement pas sa place.

Cette matinée tournée vers une approche moderne et collaborative de la négociation a ressemblé un public divers (Contract Manager, Juristes d’entreprises, Avocats, Risk Managers, Acheteurs et Chefs de Projets principalement) dont les nombreuses questions adressées aux intervenants ont permis de lever le voile sur des problématiques comportementales, techniques mais également propres au fonctionnement de nos organisations.

Table ronde :

A l’occasion de ce premier temps fort de la journée, les intervenants ont apporté des réponses expertes, issues de leur pratique régulière sur le terrain, aux questions suivantes :
1. Au regard de votre expérience, quels sont pour vous les essentiels de la négociation des cycles contractuels ?
2. La méthode évolue-t-elle en fonction du niveau de complexité du cycle contractuel considéré ?
3. Quelle est votre plus mauvaise expérience de négociation et quels enseignements en avez-vous retirés ?
4. Doit-on écarter la négociation collaborative lorsqu’autrui y est hostile ?
5. La différence de culture influence-t-elle votre manière de négocier ? Si oui, comment ?
6. Quelles sont les spécificités de la négociation interculturelle ?
7. Est-il toujours vrai que la vodka est incontournable dans une négociation avec un Russe et qu’un cadeau est un prérequis à la discussion avec un Japonais ?
8. Quelle est aujourd’hui l’évolution doctrinale sur la négociation interculturelle ?

D’un commun accord ou presque, ils ont considéré que la créativité restait un élément différentiateur clé en matière de négociation des cycles contractuels et ce, quel que soit le niveau de complexité. Et, si la posture du négociateur peut évoluer dans les environnements plus hostiles, l’utilisation d’une méthode structurée unique assure une cohérence du déroulé des séances et une adaptabilité au contexte fluctuant. De fait, la négociation collaborative s’impose comme un invariable et rien ne semble justifier de se départir de cette vision, sauf à prendre le risque de payer le prix fort d’une dégradation relationnelle plus tard au cours du cycle.
Si la différence culturelle engendre une difficulté supplémentaire, le support de la doctrine abondante en la matière permet une préparation fine visant à intégrer dans sa pratique quelques coutumes incontournables tout en les dépassant. La compréhension et l’imprégnation de la culture d’autrui nécessite une vision globale et intégrative des causes justifiant les comportements inédits (au regard de notre propre approche).

Aux théories classiques d’Hofstede ou de Hall notamment, Clair Michalon apporte une pierre à un édifice en perpétuelle construction par son analyse des oppositions entre les sociétés dites de « précarité » et celles dites de « sécurité ». Le droit à l’erreur devient alors un outil de lecture de la différence culturelle que le négociateur moderne se doit de maîtriser.

Animateur : Naoual Berggou, Présidente de la Commission formation et DGA d’e2cm Consulting
Invités : Caroline Cottaz-Cordier (Head of Contract Management-ATOS) ; Grégory Leveau (Président d’e2cm et e2cm Consulting) et Philippe Gérard (Avocat et Contract Manager).

Conférence n°1 : La place de la négociation en Contract Management.

Le déroulé de cette première conférence a permis de jeter les bases de la relation fraternelle entre le Contract Management et la négociation.
Constat fut ainsi fait que le spécialiste du pilotage des contrats complexes négocie tout le temps, à chaque phase du cycle (C1 : Création du contrat ; C2 : Négociation ; C3 : Validation ; C4 : Exécution ; C5 : Clôture ou renouvellement), en interne et à l’extérieur de son organisation.

Des qualités « non négociables » ont également été mises en exergue et, si l’on retrouve ici la créativité précédemment citée, la liste est complétée par : adaptabilité, multi-discipline, maturité émotionnelle et leadership.

Finalement, le positionnement du négociateur variera selon qu’il est intégré à l’organisation du prestataire ou à celle du client.

Son rôle de leader (non-décideur) de la négociation sera naturel dans le premier cas. Il coordonnera alors les discussions avec les experts juridiques, financiers et commerciaux notamment.

Dans le second cas, la présence de l’acheteur en qualité d’acteur également pluridisciplinaire nécessite un réajustement du positionnement du Contract Manager ; ce dernier s’effaçant généralement sur le sujet de la coordination puisque la direction des achats porte la responsabilité de la relation fournisseur.

Animatrice : Naoual Berggou, Présidente de la Commission formation - DGA d’e2cm Consulting & Senior Contract Manager.

Conférence n°2 : Les grands principes de la négociation collaborative

Puisque négocier consiste à aider autrui à collaborer, il va de soi qu’une négociation se doit d’être collaborative. L’objectif de cette seconde conférence était alors de révéler ce que dissimule un qualificatif parfois galvaudé.

Le Contract Manager sait combien le bénéfice mutuel et la pérennité de la relation déterminent le bon déroulé d’un cycle contractuel complexe, étalé fréquemment sur plusieurs années de vie.

Il n’est alors pas surprenant que le mot d’ordre de la technique de négociation retenue soit : gagner ensemble et durablement.

Il n’en fallait pas moins pour élaborer la méthodologie de négociation collaborative autour de l’excellente base proposée par la négociation raisonnée (dite « négociation d’Harvard ») imaginée par Roger Fisher et William Ury en la replaçant dans une sphère de facilitation assurant une plus grande attention à la complexité du contexte émotionnel.

Le reste de la présentation s’est ensuite attaché à expliciter :
• La nécessaire quête des intérêts derrière les positions des parties (ou comment abandonner les points d’ancrage et l’aveuglement du marchandage) ;
• La structuration du processus de négociation qui distingue les questions de personnes (qualité de la communication) des questions de fond ;
• L’importance des critères objectifs, indépendant par nature de la volonté des parties ;
• Les capacités du négociateur expérimenté lorsqu’il s’agit d’imaginer des options et des solutions créatives en passant outre cette idée factice qu’il n’existe qu’une solution (la nôtre…)
• La MESORE, plus compréhensible dans sa version étendue : MEilleure SOlution de REchange à un accord négocié ; à savoir son plan B ou sa porte de sortie si la négociation n’aboutit pas.

En synthèse, on peut lister les apports du mode collaboratif comme suit :

Animateur : Grégory Leveau (Président d’e2cm & e2cm Consulting)

Jeu de rôle : Négocier n’est pas tromper !

Pour conclure, un trio de négociateurs (acteurs improvisés pour l’occasion) a démontré par ses piètres performances, côté achat comme côté vente, l’importance de ne pas commettre les erreurs classiques et récurrentes suivantes à l’occasion d’une discussion autour d’une prestation de service :
1. Utiliser des techniques déloyales (la menace, la comparaison fictive avec la concurrence, good cop/bad cop, etc.) ;
2. Dénigrer l’objet du désir de l’autre partie en pensant qu’en détériorant l’image de ce que l’on négocie l’acheteur obtiendra une réduction du prix ;
3. Plaquer des solutions (aussi créatives soient-elles) sur des positions sans connaître les intérêts de l’autre négociateur. A coup sûr, aucune n’atteint sa cible… ;
4. Confondre les questions de fonds et les questions de personnes au point d’humilier l’autre partie, de lui faire quitter la table de négociation et de passer, soi-même, à côté de ce que nous étions venu chercher ;
5. Céder du terrain sans contrepartie en perdant toute crédibilité aux yeux d’autrui au gré des concessions supplémentaires accordées, sous prétexte que l’on s’était réservé une marge de manœuvre confortable.

Dans l’attente du prochain événement, nous souhaitons aux Contract Managers expérimentés ou en devenir d’excellentes négociations.

Naoual Berggou
Directrice Générale Adjointe du cabinet e2cm Consulting
www.e2cm-consulting.com

Grégory Leveau
Contract Manager et Médiateur professionnel
Président de l’Ecole Européenne de Contract Management (e2cm) et du cabinet e2cm Consulting.

Article initialement publié dans le Journal du Management Juridique n°54.

Rédaction du site des Experts de l’entreprise.