Le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (le « projet de loi PACTE ») a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 9 octobre 2018, et a été envoyé au Sénat pour être soumis au vote des sénateurs le 12 février 2019.
Par Thibaud Estève, Avocat.
Ce projet de loi étant dense, ne sont présentées ci-dessous que les réformes les plus importantes intéressant le domaine du droit. Ne seront ainsi pas évoquées les projets de privatisation des entreprises Aéroports de Paris (ADP) et Française des Jeux (FDJ).
Précisons par ailleurs que ces réformes pourraient faire l’objet de modifications suite au passage devant le Sénat du projet de loi PACTE.
Mise en place d’une plateforme unique pour les formalités des entreprises.
Il y a aujourd’hui 7 réseaux différents de centres de formalités des entreprises. Le projet de loi PACTE prévoit à l’horizon 2021 leur remplacement par un seul et unique réseau. L’objectif visé par le législateur est de réduire les délais et de simplifier l’accès et l’accomplissement des formalités des entreprises.
Centralisation des registres des entreprises.
Pour rappel, il existe actuellement de multiples registres qui recueillent et diffusent les informations sur les entreprises : le registre national du commerce et des sociétés, le répertoire national des métiers et le registre des actifs agricoles. Or, certains entrepreneurs, tels que les artisans-commerçants doivent procéder à une double immatriculation au registre national du commerce et des sociétés et au répertoire national des métiers.
L’objectif visé de cette réforme est de réduire les coûts et de simplifier les démarches administratives en créant une plateforme unique pour la création d’entreprise à l’horizon 2021.
Réforme du système d’annonces judiciaires et légales.
Le projet de loi PACTE prévoit de simplifier le dispositif d’annonces judiciaires et légales. Alors qu’à ce jour, seule la presse imprimée est habilitée à publier des annonces judiciaires et légales, les services de presse en ligne seront autorisés à publier de telles annonces. Toutefois, seuls les services de presse consacrant moins de 50% de leur contenu à la publicité ou aux annonces seront autorisés à publier les annonces judiciaires et légales.
Par ailleurs, une tarification au forfait sera prévue pour les annonces relatives à la création d’entreprises mais aussi pour les autres évènements de la vie des entreprises, chaque fois que cela sera possible, dans un objectif de réduction des coûts.
Réforme des seuils d’effectif.
Alors qu’il existe actuellement des dizaines de seuils d’effectifs dont le franchissement déclenche des obligations pour les entreprises, le projet de loi PACTE prévoit de les limiter à trois : (i) 11, (ii) 50 et (iii) 250 salariés. En outre, il est prévu que les obligations nées du franchissement du seuil seront uniquement effectives dès lors que le seuil sera franchi pendant cinq années civiles consécutives. Cela signifie que si l’effectif de l’entreprise diminue et revient à un niveau inférieur au seuil, le seuil devra être à nouveau atteint durant cinq années consécutives pour générer l’obligation.
Relèvement des seuils de certification légale des comptes.
Le projet de loi PACTE prévoit de relever les seuils à compter desquels la certification légale des comptes est obligatoire afin de s’aligner sur la réglementation européenne en vigueur depuis l’adoption de la directive UE du 26 juin 2013 (n°2013/34).
Désormais, seules les entreprises remplissant 2 des 3 conditions suivantes seront obligées de faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes :
un bilan supérieur ou égal à 4 millions d’euros ;
un chiffre d’affaires hors taxes supérieur ou égal à 8 millions d’euros ;
un effectif supérieur ou égal à 50 personnes.
Si ce relèvement de ces seuils aura pour conséquence directe d’alléger les charges et les contraintes des petites entreprises, il diminuera néanmoins leur sécurité juridique et la fiabilité de leurs comptes.
Suppression de l’obligation de compte bancaire dédié à l’activité professionnelle pour certaines micro-entreprises.
Le projet de loi PACTE prévoit que seules les micro-entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 5.000 € ont l’obligation d’ouvrir un compte bancaire dédié à leur activité professionnelle. L’objectif du législateur est ici de faciliter les lancements d’activité en allégeant les charges administratives qui pèsent sur les entrepreneurs modestes.
Ouverture de la liquidation judiciaire simplifiée à l’ensemble des petites entreprises.
La liquidation judiciaire simplifiée permet de clôturer une procédure dans un délai maximum de 6 à 9 mois pour les entreprises qui n’emploient pas plus d’1 salarié et qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 300.000 € et de 12 à 15 mois pour celles réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 750.000 €. Cette procédure de liquidation judiciaire simplifiée deviendra en conséquence la norme pour les petites et moyennes entreprises de moins de 5 salariés. Les seuils de chiffre d’affaires seront fixés ultérieurement par décret.
Simplification du droit des sûretés.
Le législateur entend clarifier et simplifier le droit des sûretés, se définissant comme le droit des techniques juridiques destinées à assurer le règlement des créances. Complexes, peu lisibles, et parfois obsolètes, certaines sûretés seront supprimées. Compte tenu de son importance, le projet de loi PACTE prévoit que cette réforme se fera par voie d’ordonnances.
Transposition de la directive européenne du 22 novembre 2016 relative à l’insolvabilité.
À l’image de la simplification du droit des sûretés, le projet de loi PACTE prévoit que la transposition de la directive européenne relative à l’insolvabilité (n°2016/0359) se fera par voie d’ordonnances. La transposition de cette directive permettra notamment (i) l’instauration d’un cadre de restructuration préventive de nature à favoriser le sauvetage des entreprises viables, (ii) la création d’un nouveau mécanisme du plan de restructuration en hiérarchisant les créanciers et en donnant davantage de pouvoirs de décision aux créanciers les mieux alignés sur les intérêts de l’entreprise en difficulté, (iii) la réduction des délais et des coûts de procédure préventive et d’insolvabilité, et (iv) l’opportunité pour les entrepreneurs honnêtes ayant connu une liquidation judiciaire de bénéficier d’une remise totale de leurs dettes dans un délai de trois ans.
Harmonisation et automatisation de la procédure de radiation.
Aujourd’hui, si un entrepreneur ne réalise aucun chiffre d’affaires pendant deux ans, il est radié de son régime de sécurité sociale. Or, cette radiation n’a pas pour effet de le désinscrire des autres fichiers administratifs (services fiscaux, registre du commerce et des sociétés, répertoire des métiers et répertoire SIRENE).
Le projet de loi PACTE prévoit que la radiation du régime de sécurité sociale entraîne la radiation de tous les autres répertoires administratifs. Par ailleurs, la procédure de radiation deviendra automatique. L’entrepreneur n’aura plus à déposer une déclaration de cessation d’activité, il pourra néanmoins s’y opposer une fois informé.
Simplification du Pacte Dutreil.
Pour rappel, le pacte Dutreil est un dispositif fiscal permettant de réduire les droits de mutation à payer lors de la transmission par succession ou par donation d’une société. Cette simplification du pacte Dutreil ne figure pas le projet de loi PACTE en raison du monopole en matière fiscale des lois de finance. Ainsi, cette mesure de simplification figure dans la loi de finances 2019. Pour plus d’informations au sujet de cette réforme, vous pouvez utilement vous reporter à l’article suivant : Projet de loi de finances pour 2019.
Harmonisation et simplification des règles encadrant les produits épargne retraite.
L’épargne retraite est une forme formes d’épargne par capitalisation, constituée à partir de versements périodiques de l’épargnant. Les sommes sont en principe bloquées et sont versées sous forme de capital ou sous forme de rente viagère à partir du départ à la retraite de l’épargnant. Il existe aujourd’hui plusieurs produits épargne retraite (PERCO, PERP, MADELIN…) obéissant chacun à des règles spécifiques.
L’objectif de la loi PACTE est d’harmoniser toutes les règles relatives à l’âge et aux modalités de déblocage de l’épargne retraite, à l’information des épargnants sur leurs droits, ainsi qu’à la gestion financière des encours. Par ailleurs, alors qu’actuellement le déblocage des fonds anticipé n’est souvent autorisé qu’en cas d’accident de la vie, le retrait sera également possible pour l’achat d’une résidence principale, lorsque les versements proviennent de l’épargne salariale ou de versements volontaires des épargnants. En outre, l’épargne accumulée sera intégralement portable d’un produit à l’autre et ce gratuitement si le produit a été détenu pendant cinq ans. Dans le cas contraire, les frais ne pourront excéder 3% de l’encours.
Encadrement juridique des offres de jetons virtuels (Initial Coin Offering).
Une offre de jetons virtuels est un mode de levée de fonds grâce à des monnaies virtuelles telles que le bitcoin. Le projet de loi PACTE prévoit d’encadrer juridiquement ces offres de jetons virtuels en introduisant la possibilité pour l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) de délivrer un visa aux entreprises émettrices de jetons respectant certains critères précis de nature à protéger les épargnants. Toutefois, l’obtention de ce visa sera facultative pour ces entreprises émettrices de jetons.
Thibaud Estève, Avocat.